Aussi étonnant que cela puisse paraître, le Calvados, ce pur normand, porte un nom espagnol. En effet, à la suite du naufrage sur la côte normande en 1583 d’un navire de l’Invincible Armada, El Calvador, le lieu-dit fut appelé Calvados. Un nom qui s’étendit au département, baptisé ainsi par la Constituante. L’eau-de-vie de cidre ne prit ce nom qu’au début du XIXe siècle.
Je vous rappelle que les Gaulois des régions de l’Ouest faisaient déjà fermenter les pommes sauvages et en tiraient une boisson qu’ils distillaient tout à fait sommairement. L’appellation du calvados en tant que tel n’apparaît qu’au milieu du XVIe siècle avec Gilles Gouverville, considéré comme l’un des premiers agronomes.
Le verger total comprend environ 15 000 000 arbres d’une rentabilité moyenne de 15 ans. La récolte des pommes s’effectue sur trois mois, et le cidre doit présenter un certain nombre de qualités indispensables à la distillation. Il doit titrer au moins 40°, avec une acidité volatile inférieure à 2,5° pour 1 000, n’avoir fait l’objet d’aucun sucrage et présenter le caractère d’une boisson propre à la consommation de bouche.
Le chapitre des appellations et qualités suscite toujours un certain nombre de controverses. Il reste cependant indispensable pour le choix et la satisfaction du consommateur. En ce qui concerne la réglementation, la Loi de janvier 1941 définit géographiquement les appellations et différents procédés d’élaboration qui s’y rattachent.
La première appellation est l’appellation Pays d’Auge contrôlée. Elle correspond strictement à la région du pays d’Auge. La récolte des pommes doit donc s’y effectuer en totalité. De plus, l’élaboration du Calvados doit impérativement passer par une distillation à double repasse. C’est-à-dire une première chauffe du cidre d’ou l’on extrait la petite eau, alcool léger titrant 25°, puis la repasse, deuxième chauffe, c’est-à-dire la distillation de la petite eau.
La deuxième appellation est l’appellation Calvados réglementée et s’applique à dix terroirs également délimités. Ainsi le Calvados du Cotentin, du Mortainais, du Calvados, de l’Avranchin, du Donfrontais de la vallée de l’Orne, du pays de Merlerant, du Pays de Risle, du Perche, du Pays de Bray. Je pense qu’il reste très difficile d’établir une hiérarchie au sein de ces dix appellations réglementées. Elles n’ont pas souvent la qualité de l’appellation Pays d’Auge contrôlée (le prix est également en rapport).
Pour mémoire, la distillation en continu à colonne constitue la base même de l’élaboration de ces produits.
Le Calvados est incontestablement l’un des alcools qui a le plus de personnalité. Peu d’alcools de consommation courante en effet, si ce n’est certains alcools blancs (comme les prunes ou les framboises alsaciennes), peuvent mieux que le Calvados revendiquer le parfum du fruit dont il est issu.
Certes, cette particularité ne prend toute son ampleur qu’avec les vieux Calvados, d’où l’importance d’une bonne lecture des étiquettes pour laquelle je vous conseille d’être vigilant.
Trois étoiles ou trois pommes : un Calvados ou une eau-de-vie ayant au moins un an de vieillissement en fût (minimum obligatoire pour la commercialisation). Ils sont alors dans leur deuxième année. Je les déconseillerais aux amateurs d’alcools fruités, parfumés, et hauts en couleurs. De même pour les Vieux ou Réserve qui sont des alcools de deux ans à mon avis encore impropres à la dégustation.
Les V. O. ou Vieille Réserve de trois ou quatre ans, ainsi que les V.S.O.P. de quatre ou cinq ans vieillis en fûts peuvent commencer à être relativement appréciés selon les producteurs. En fait le calvados n’acquiert de réelles qualités que bien après la sixième année de fûts ce qui lui permet d’obtenir la catégorie hors d’âge ou extra. Cependant les prix peuvent paraître dissuasifs et ne permettent pas d’en consommer régulièrement . Il vous reste encore l’espoir de tomber sur un propriétaire normand distillant pour sa propre consommation et prêt à vous céder l’une de ses vieilles bouteilles.
Le Calvados produit jeune ou dans des catégories plus âgées n’est pas utilisé au maximum de ses possibilités. Ainsi de très nombreux apéritifs (le Pommeau par exemple), cocktails ou sorbets peuvent être élaborés à partir du calvados.
De la même manière, il existe de nombreuses recettes de cuisine au Calvados, comme la truite normande, le poulet vallée d’Auge (remarquable), ou encore les escargots au Calvados, particulièrement savoureux.
Enfin, sachez que les types de Calvados consommés en France sont en pleine évolution. Il y a encore quelques années, les ventes de mauvais Calvados en produit jeune restaient majoritaires. Ce qui n’a pas permis au produit d’acquérir enfin la réputation d’un alcool de bonne et de très bonne qualité. L’évolution du marché semble s’inverser vers une consommation plus importante de Calvados AOC. Parallèlement, une progression des vieux Calvados (30% du total environ) semble se confirmer, et cela me semble tout à fait naturel si l’on veut défendre une quelconque authenticité.
Une évolution que l’on aimerait constater plus souvent chez nos amis restaurateurs généralement pauvres (ou incultes ?) en la matière.
S’il incombe au producteur de fournir sur le marché des Calvados de bonne qualité, il revient au véritable amateur en effet, à vous comme à moi donc, un rôle de régulation du marché. En premier lieu, il faut bouder les Calvados de bas de gamme qui nuisent à l’appellation. D’autre part il n’est pas interdit au hasard d’un week-end en Normandie, avec une bonne carte, de rendre visite aux producteurs, ni de goûter leurs produits sur place.
Au même titre que les autres alcools, le Calvados doit se déguster dans une certaine atmosphère et peut-être même dans un contexte plus particulier, faute d’habitude réelle de le consommer. On goûte un grand Calvados pour ce qu’il est, et non pour le comparer à un Cognac…