Si ce sont les Celtes qui introduisirent la culture de la vigne dans le pays il y a quelque 2 400 ans, c’est surtout l’empereur Probus qui développa plus encore le vignoble pendant la domination romaine : en 280 après J.-C., il abrogea l’interdit de l’empereur Domitien qui proscrivait la plantation de vignes ailleurs qu’en Italie. En 955, Othon Ier ordonna de replanter les vignobles abandonnés depuis l’effondrement de l’Empire romain. Ce furent les moines qui cultivèrent la vigne en Autriche, de même qu’en Bavière. Puis, comme partout en Europe, les vignobles passèrent sous l’autorité de l’Église (confer L’histoire du vin européen).
Au Moyen Age, la viticulture connut un nouvel essor et était pratiquée essentiellement par les moines, comme ils en avaient l’habitude en Europe occidentale. A cette époque la surface du vignoble était dix fois plus importante qu’aujourd’hui. Charlemagne fit planter des vignobles modèles, et on lui prête même une réglementaion des cépages.
Au XVIe siècle, la viticulture subit une crise grave provoquée par les taxes infligées au vin, mais également par l’essor et le triomphe de la bière. Un nouveau redémarrage s’annonça pour la viticulture (au cours de la Contre-Réforme), entraînant une multiplication des monastères au XVIIIe siècle. Au siècle suivant, une modification climatique et l’apparition des maladies cryptogamiques provenant d’Amérique entraînèrent des dégâts graves pour la viticulture, avant le phylloxéra qui dévasta la totalité du vignoble au début de ce siècle. Dès lors, l’accent fut mis sur les méthodes de production les plus rationnelles possibles (la haute culture de la vigne, dénommée système Lenz-Moser, du nom de son inventeur).
Depuis les années 70, la production a beaucoup progressé, pour une consommation nationale en baisse et des exportations qui s’amenuisent.
En attendant, de Vienne au plus petit des bourgs, la coutume se perpétue, de taverne en taverne : celle du vigneron qui, voulant vendre son vin nouveau, accroche des branches devant sa maison. Un folklore comme un autre, sympathique et chaleureux, même si ce n’est pas à cette occasion que vous goûterez les meilleurs vins du pays…
La Basse-Autriche
C’est la plus grande province de production de vins secs, délimitée en cinq régions vinicoles (Donauland-Carnuntum, Kamptal-Donauland, Thermen, Wachau et Weinviertel).
Belle et paisible, la région de Wachau s’étend entre Melk et Krems. Ici, c’est le royaume des vignes en terrasses et du fameux Grüner Veltliner, un vin bien sec, épicé et souple, fortement apprécié par les Autrichiens, auquel s’associe de bons vins de Riesling, tout en fruits. A Stein, il faut vous procurer un grand Riesling, fier et nerveux, très aromatique. Non loin, à Joching, on trouve de très bonnes bouteilles, notamment en Auslesen.
De l’autre côté de Krems, vers le nord-est, s’étend la région de Kamptal-Donauland, où c’est surtout le Riesling qui s’exprime le mieux, et donne un vin typé, à la fois sec et rond, parfois remarquable comme ceux provenant du village de Strass, que je considère comme mes meilleurs souvenirs de crus autrichiens.
Plus au sud, jusqu’à la ville de Saint-Pölten, c’est la région du Donauland-Carnuntum, où des communes viticoles comme Kirchberg, Kahlenberg ou Klosterneuberg peuvent produire quelques vins très agréables, même rouges, pourtant moins réussis généralement que ceux des deux premières régions citées.
Le Weinviertel s’étend au nord du Danube et de Vienne. C’est une grande région par son étendue, qui produit en réalité un bon nombre de blancs qui se sont nettement améliorés ces dernières années, des vins fruités, légers et agréables, bien représentatifs de la bonne moyenne du pays. A mon avis, six villages se démarquent qualitativement des autres : au nord, Retz, Haugsdorf, Falkenstein et Ziersdorf; plus au sud, Hollabrunn et Wolkersdoef. Pour l’anecdote, quelques rouges plaisants à Matzen et à Retz.
Enfin, au sud-ouest de Vienne, sur les coteaux de la forêt, la région de Thermen, plus chaude, est certainement un bon endroit pour vous faire les papilles sur un Auslesen autrichien, issu de raisins vendangés tardivement. La commune de Gumpoldskirchen, avec celles de Baden et Bad Vöslau sont en tout cas les figures de proue de cette entité.
Vienne
Je ne vais pas vous vanter la beauté de la ville. C’est surtout sur ses collines boisées que s’étendent les vignobles, au milieu de petits villages viticoles, devenus faubourgs de la ville (cela me rappelle Pessac, dans la région bordelaise), dont les plus renommés sont incontestablement Grinzling et Nussdorf.
L’occasion rêvée (?) de vous rafraîchir d’un “bon petit blanc” dans une taverne, en sortant de l’opéra, ou de déguster, plus intéressant, un Riesling ou un Müller-Thurgau.
Le Burgenland
La région est répartie en quatre zones : Neusiedlersee, Neusiedlersee-Hügelland, MittelBurgenland et SüdBurgenland, les deux premières étant de loin les plus intéressantes, tant la partie méridionale, où l’on élève surtout des rouges, ne me laisse aucun souvenir digne de ce nom.
Une star mondiale : le Muskat-Ottonel, et des vins puissants, épicés, secs mais surtout liquoreux, issus des cépages Welschriesling, Grüner Veltliner, Riesling et Müller-Thurgau pour les blancs, Gamay et Pinot pour les rouges, plus communs.
Le secteur du Neusiedler s’étend près du grand lac. Protégés des vents froids du nord par les Carpathes et de ceux de l’est par les montagnes de Styrie, bénéficiant de la proximité du lac qui reflète la chaleur du soleil, les vignes à blancs se plaisent à merveille dans la région. Ajoutez à ces conditions climatiques exceptionnelles l’influence des brumes (toujours le lac), et vous comprendrez mieux pourquoi je parlais de star auparavant. Ici, on élève des raisins surmaturés, atteints tout naturellement de la fameuse pourriture noble que vous connaissez à Sauternes. Et, si tous les cépages font des vins liquoreux exceptionnels, c’est surtout avec le Muskat-Ottonel qu’à mon sens on atteint les sommets. Un vin où la race s’associe à la typicité, l’originalité à la saveur, la liqueur à la persistance aromatique. Du très grand art que je vous conseille de vous procurer impérativement.
Sur la rive opposée, une halte à Apelton, près de la frontière hongroise, dans la région de sols sablonneux du Seewinkel, pour goûter des vins blancs plus frais, plus légers, mais de bonne garde également.
La Styrie
Cette grande province (Steiermark en allemand) s’étend, au sud-est de l’Autriche, le long de la frontière yougoslave, à l’ouest du SüdBurgenland. Une région riche et fertile, dont la capitale, Graz, est la seconde ville du pays (le fameux “loden” bcbg vient de là). Trois régions : la Styrie occidentale (Weststeiermark ), la Styrie orientale (Süd-Oststeiermark), et la Styrie méridionale (Süd-Steiermark), où sont cultivés principalement les cépages Welschriesling, Blauer Wildbacher, Gewurztraminer, Müller-Thurgau, Pinot gris ou Rülander, Traminer, et Riesling.
J’ai goûté de bons vins blancs issus du Gewurztraminer, provenant de la Styrie orientale, et un très bon Riesling venant de la région plus méridionale. Quelques rouges (très) légers, presque “gris”, assez neutres, mais pas désagréables.