La région du Vinho Verde
En dehors du Madère et du Porto (voir plus loin), et beaucoup moins connue, l’autre grande caractéristique du pays, c’est que le Portugal produit, dans la région comprise entre le Minho et le Douro, au nord du pays (voir carte), environ 3 millions d’hectolitres de Vinhos Verdes (vins verts). Des vins en réalité extrêmement typés, et je ne vois pas avec quels autres types de vins on pourrait les comparer réellement (et sérieusement). On ne connaît pas la raison pour laquelle ce nom leur est donné depuis des siècles. Certains disent que ce nom est lié au cadre géographique dans lequel il est produit, car le paysage de cette région est toujours verdoyant et frais, avec un climat pluvieux en hiver, et des températures assez douces en été. Son relief est assez accidenté, avec un sol presque totalement granitique. D’autres disent (peut-être avec plus de raison) que ce nom provient simplement de sa fraîcheur. Le Vinho Verde est donc un vin jeune, à boire jeune.
Il s’agit de vins de table, rouges ou blancs, connus depuis l’époque romaine, pauvres en alcool (entre 8 et 11°), mais riches d’acidité fixe. Ils ne se conservent guère et doivent être consommés frais. Une chose est sûre : la raison de cette appellation n’est pas uniquement due à l’insuffisance de maturation du raisin. Les grappes ne sont cueillies que lorsqu’elles sont mûres (selon les conditions climatiques, les vendanges peuvent durer jusqu’à mi-novembre). En conséquence, des divers facteurs déjà cités (notamment la fraîcheur constante de la région ainsi que l’ombre fournie par l’abondant feuillage), on obtient un moût très riche en acides qui détermine les principales caractéristiques du “Vinho Verde”. La grande quantité d’acide malique qui reste encore provoquera plus tard une deuxième fermentation (malolactique). A la suite de celle-ci, il résultera (par dégagement d’anhydride carbonique) une légère et très agréable effervescence dans le vin, connue populairement sous les noms de “agulha” ou “pico”. La présence de ce gaz carbonique est généralement plus élevée dans les vins rouges (plus acides) que dans les vins blancs où celle-ci se remarque juste par l’existence d’un léger pétillement.
Les bons rouges que j’ai dégustés, de couleur intense, étaient très agréables, très frais en bouche, bien équilibrés, comme les blancs, qui sont vraiment remarquables avec les sardines fraîches que l’on mange au pays.
Plus au nord, goûtez les réputés vins blancs de l’Alvarinho, issus du même cépage, à la fois secs, gras et onctueux, finement parfumés.
Non loin, pour les amateurs, on trouve les vins rosés demi-doux, pas mal faits au demeurant, élaborés dans la région de Tras-os-Montes, juste au-dessus du Haut-Douro, et plus au sud, entre le Vinho Verde et le Dao, quelques rares vins blancs vifs et corrects de la région de Beira.
La région du Douro
J’ai des souvenirs émus de cette région, appelée aussi Pais Vinhateiro, notamment en dévalant son fleuve sur une grande barque typique (dont j’ai oublié le nom) vers la ville de Porto, un jour où je revenais d’une visite de la Quinta Ferreira.
Ici, l’homme a su amadouer la montagne, créant partout terrasses et paliers. Ses panoramas sont variables et séduisants, avec des monts et des monts pleins de vignes entourées d’oliviers, qui donnent à ce paysage une caractéristique bien spéciale. Il y a quelques années, les températures étaient très froides pendant l’hiver et l’été était un enfer. Aujourd’hui le climat est bien différent, plus doux et humide, en grande partie à cause des barrages du fleuve Douro. Son sol, d’une manière générale schisteux, a été lentement conquis à la montagne à force d’un travail herculéen par l’Homem do Douro.
Ce fut pendant le règne de D. Joséi que son premier ministre et futur Marquês de Pombal, Sebastiao Jose de Carvalho et Melo, a créé la première région délimitée et reconnue du monde, par la loi de 1756, alterée à travers les temps et confirmée en 1921. Cette impressionnante région étend ses bras tout au long de la vallée du fleuve Douro et ses affluents dès Barqueiros à Barca d’Alva.
En se partageant par le Baixo-Corgo, Cima-Corgo et Douro Superior, la région du Douro atteint une partie des districts de Vila Real, Viseu, Bragança et Guarda. Le Baixo-Corgo, avec environ 51% de son aire occupée par la vigne, s’étend sur la rive droite du fleuve Douro dès Barqueiros au fleuve Corgo. A gauche, dès la paroisse de Barrô, et jusqu’au fleuve Temi-Lobos, près de la petite ville Armamar. Le Cima-Corgo, avec environ 36 %, s’adosse à l’antérieur et va jusqu’au méridien qui passe par Cachao da Valeira. Puis le Douro Superior va jusqu’à la frontière espagnole.
Ici, on dit que Dieu et l’homme ont façonné cette région délimitée, en parfaite symbiose, où, au-delà du fameux vin généreux ou fin, il se produit un vin avec dénomination originaire du “Douro”, qui autrefois était connu par “Vinho de Ramo”, aujourd’hui très apprécié par sa qualité, sa compagnie étant indispensable à une grande table.
Les vins du Douro
C’est dans le nord-ouest du Portugal que depuis le temps des Romains on cultive la vigne d’une façon quelque peu différente de celle que l’on trouve partout ailleurs, où généralement, les ceps recouvrent complètement une surface qui leur est destinée, exclusivement rangés en formation militaire. Ici, la vigne pousse librement le long des arbres, atteignant parfois une hauteur assez importante (“o enforcado”) ou bien s’étend sur des fils de fer, formant ainsi de longues allées en tonnelles qui couvrent les chemins ou entourent les miliers de petites propriétés de cette région (“ramadas” ou “latadas”). Cette forme de culture rend le travail difficile car on doit parfois utiliser des échelles à trente échelons. Afin d’éviter ce problème, les vignes en “enforcado” ou en “ramadas” sont peu à peu remplacées par la forme en “cruzeta” (forme en croix) qui est le système le plus récent de la culture de la vigne, facilitant la mécanisation.
Une préférence pour les rouges, chauds et veloutés, et je vous conseille amicalement de prendre soin de les servir au moins à la température de la cave, voire un peu frais, si vous n’avez pas l’occasion de faire une sieste. Quelques bons vins blancs du Douro sont frais, légers et aromatiques, moins typés néanmoins. Non moins anecdotique, le fameux muscat, qui se fait à Alijo et Favaios, fait avec la qualité “Moscatel Galego”. Dans la région de Lamgo il y a une zone spécialement dotée pour la production de mousseux naturesls. Pour mémoire, l’ancienne et belle ville de Lamego était jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la capitale de cette région de viticulture, et son vin apprécié et connu comme “Vinho de Cheiro” ou Vinho de Lamego”.
Le Porto
C’est incontestablement le Seigneur du pays. Il naît dans la haute vallée du Douro, au nord du Portugal, et dans les vallées de ses affluents le Corgo et le Torto. Cette région du Douro peut se diviser en deux zones secondaires : la Cima Corgo (ou le haut Corgo) et le Baixo Corgo (le bas Corgo). La première est aride et dénudée ; la vigne tarde à y croître et ne donne qu’un rendement minime, contrairement à ce qui se produit dans le Baixo Corgo, aux eaux plus abondantes et à la végétation plus riche. Tout cépage étranger implanté dans cette région y donne du Porto. Il n’existe aucune explication scientifique de ce phénomène, dû à une véritable alchimie de la nature et lié sans doute à un équilibre particulier entre le climat et le terroir.
Un peu d’histoire
L’Angleterre de la fin du XVIIe et début du XVIIIe connaît une époque troublée par les influences contraires des Tories royalistes et des Parlementaires, rendue plus confuse encore par les éternelles querelles de religion. Guillaume III (dit Guillaume d’Orange), d’origine hollandaise, soutenu par les Parlementaires, débarque en Angleterre et fait fuir le roi en place Jacques II, qui se réfugie en France, auprès de Louis XIV (en 1688). Antipapiste et anti-français, Guillaume III déclare la guerre à la France en 1689 (guerre de la ligue d’Augsbourg) et établit un blocus des marchandises françaises. Les Anglais se trouvent alors privés de leurs vins de Bordeaux dont ils sont friands.
Pendant ce temps, le Portugal, sous le règne de Pierre II, reste incapable de produire des récoltes de céréales suffisantes à ses besoins, et son commerce de produits coloniaux, épices et sucre du Brésil, décline. Il se voit alors contraint à réduire ses achats extérieurs et à se rapprocher de l’Angleterre. En 1703 est signé un traité de commerce (le traité de Méthuen) qui favorise les échanges entre l’Angleterre et le Portugal. Ce fameux traité marque le début de la grande hégémonie commerciale anglaise, la Banque d’Angleterre est créée en 1694 par 40 marchands, et le Bureau de Commerce en 1696. Le début de l’industrialisation de l’Angleterre et son dynamisme commercial vont être la cause de la ruine de l’artisanat portugais et du sous-développement des activités de manufacture qui semble intéresser l’Angleterre est le vin portugais.
Un vin rude, fait, comme l’écrivait un historien, pour satisfaire l’Anglais flegmatique et carnivore… Une boisson âpre dont le seul mérite résidait dans son pouvoir à provoquer la stupeur. De surcroît, le vin portugais se voit doté d’un tarif préférentiel de droits d’accise à l’entrée en Angleterre : 7£ par tonne contre 55£ par tonne pour le vin français…
En Angleterre, les importateurs de vins, privés de vins français pendant quelques années, s’accommodent tant bien que mal de ce vin du Portugal, de qualité bien inférieure aux vins de Bordeaux. Ils décident alors de “fortifier” ce vin rude en ajoutant un peu d’eau-de-vie, selon un principe bien connu des navigateurs de cette époque, pour une meilleure conservation et pour éviter que le vin ne tourne en vinaigre. Un véritable centre de commerce de vins se développe dans la banlieue de Porto, à Vila Nova de Gaïa, sur les rives du Douro, le fleuve où sont acheminés dans les grandes barques à fond plat (barcos rabelos) les fûts (pipas) de vin en provenance des vignobles de l’intérieur du pays. De nombreux commerçants anglais, poussés par l’esprit d’aventure, attirés par le soleil brûlant du Portugal, les paysages sauvages, le vin généreux et les filles aux yeux noirs, abandonnent l’Angleterre pour s’installer à Porto.
C’est une véritable colonie britannique qui s’organise autour de Vila Nova de Gaïa afin de dominer ce nouveau marché de vins portugais. Un demi-siècle plus tard, 75% des vins importés en Angleterre sont d’origine portugaise. Les Anglais, avec un goût prononcé pour tout ce qui est sucré, préfèrent le Porto doux et velouté qu’ils consomment en vin de dessert, sur un fromage ou en digestif.
L’élaboration du Porto
Le raisin est descendu du vignoble à la cave dans de grandes hottes portées par les “barracheiros” (porteurs). Récemment encore le raisin était foulé par les pieds des vendangeurs; à présent on emploie des machines qui égrappent, foulent et pressent le raisin. Le moût ainsi obtenu est renforcé par addition d’eau-de-vie pour 1/5° ou 1/6° de son volume total. L’alcool introduit tue les levains de la fermentatin et interrompt ainsi la transformation du sucre en alcool. Selon le moment où aura été appliquée cette addition, le vin sera sec, doux ou liquoreux. Les fûts employés dans les “quintas” des montagnes ont une capacité de 25 à 250 hectolitres. On transvase ensuite le vin dans des fûts de 550 litres que l’on descend vers le Douro et on l’embarque dans des bateaux à fond plat dénommés “barcos rabelos”. Ceux-ci descendent le fleuve juqu’aux caves de Vila Nova de Gaïa, faubourg de Porto, où le vin est mis à vieillir. Le Porto mûrit lentement dans de petits tonnelets de bois spéciaux, dont la porosité favorise les processus d’oxydoréduction. Le taux annuel d’évaporation (environ 4 %) rend nécessaires de fréquents remplissages avec des eaux-de-vie du même âge que le vin lui-même. Le Porto peut être sec ou extra-sec (surtout le blanc), demi-sec ou doux (pour le rouge).
Il y a Porto et Porto
La caractéristique commune à tous les vins de Porto est qu’ils sont produits dans une région délimitée par la loi portugaise depuis plus d’un siècle : la vallée du Douro. Chaque parcelle est répertoriée et classée dans les catégories A, B, C, D, un peu comme pour les crus de la région de Cognac. A la différence de Cognac où les différentes qualités sont disposées de façon concentrique avec la Fine Champagne au centre (voir ce chapitre), le classement du Porto est plus complexe. Il faut en effet tenir compte de l’ensoleillement, de la proximité du fleuve, de la densité de la culture. On peut estimer que les meilleures parcelles sont proches du fleuve et que leurs terrasses ne comptent qu’une ou deux rangées de vigne. Le Porto est donc composé de vin qui est “viné”, c’est-à-dire additionné de 20% environ d’eau-de-vie tirée elle-même de vin de la région. Bien entendu, il y a différentes sortes de vins de Porto.
En dehors du Porto blanc, moelleux et rond (à boire frais mais sans glace, svp), plus ou moins doux selon les marques, totalement méconnu, appelé aussi Branco Dourado, élaboré à partir de raisins blancs, exclusivement, mais selon les mêmes principes que les vins rouges, on peut départager la production de Porto en trois grandes catégories.
Tawny
Le plus courant. Ce “blend” est un vin qui est fait à partir de coupes d’âges et de productions différents. Toute sa qualité dépend de l’art du maître de chais qui procède à ces assemblages. Deux vins de Porto, tout en restant authentiques, peuvent être des produits très différents. En vieillissant, le vin change de couleur, passant du violet au rubis puis au roux doré (“Tawny” signifie d’ailleurs roux). Le vin le plus jeune prend le nom de Porto Ruby ou Tinto Alourado, plus corsé; il garde un goût très fruité mais n’a pas la classe et la puissance des vieux Tawnies.
Le Tawny vieillit en fûts de chêne, généralement du chêne portugais qui donne moins le goût de tannin que le chêne français, plus fort. Certains négociants envisagent cependant de faire faire des fûts de chêne français. Le vieux Tawny mérite son prix, d’une part en raison de ses conditions de production, et d’autre part parce qu’une partie du vin (environ 2%) s’évapore des fûts chaque année.
En France, nous nous empressons généralement de boire un Tawny à l’apéritif. Une consommation qui me semble tout à fait adaptée à ce style de Porto. La bouteille doit être conservée à la chaleur ambiante. Il ne faut donc jamais le boire dans un verre opaque, ni même dans un trop petit verre. Je vous conseille encore de “mâcher” votre Porto, c’est-à-dire de le conserver un moment en bouche pour lui permettre de développer tout son bouquet.
Porto millésimé
Attention : il y a plusieurs sortes de Porto qui portent une date. Un Vintage peut être aussi bien millésimé que le Tawnie. Quand un Tawny est millémisé, cela signifie que toute la récolte vient de cette année et qu’il s’agit d’une bonne année. Certains vieux Tawnies peuvent être aussi bons que des millésimés. Il y a des amateurs qui préfèrent des vins coupés rafraîchis par l’apport de vins plus jeunes. C’est souvent une affaire de goût. Avec l’âge, le Tawny devient plus doux et perd un peu de sa teneur alcoolique, sa couleur devenant plus pâle.
Certains vins de Porto provenant d’un seul domaine et d’une seule année sont aussi commercialisés, sans faire l’objet d’assemblage : ce sont les Quintas, souvent d’excellente qualité, vieillies en fûts pendant une période de huit ans au moins avant d’être mis en bouteilles. Rares et peu connus, les vins de Porto de 10, 20, 30 ou 40 ans d’âge proviennent d’assemblage de vins vieillis en fûts pendant une période minimale de 10, 20, 30 ou 40 ans. Ce sont le plus souvent des coupages de grandes années.
Les Late bottled vintages (ou L.B.V.) sont des vins de Porto récoltés dans de bonnes années et laissés en fûts pendant une période plus longue que pour les Vintages, variant de quatre à six ans. Ils sont ensuite mis en bouteilles mais ne font généralement pas de dépôt comme les Vintages, plus abordables et plus faciles à consommer.
Vintage
A mon sens, aux côtés de quelques rares Tawnies exceptionnels, le Vintage est au Porto ce qu’un grand Champagne millésimé est au mousseux de fête foraine. C’est la quintessence de la finesse, de la saveur et de la persistance aromatique. Un Vintage ne se boit pas : il se savoure. Pour exciter vos papilles comme il convient, débouchez un Porto Vintage soit en digestif, soit sur les fromages forts, en fin de repas (confer le chapitre L’accord des vins et des mets) : c’est ainsi que vous ferez la différence… Un Vintage est donc issu d’une récolte exceptionnelle (tous les trois à quatre ans, si le temps est propice), et est élaboré avec des vins d’une même année mais de différents cépages. Chaque maison a sa propre recette pour le réaliser, séléctionner les meilleurs crus, les assembler et les laisser vieillir en fûts.
A la différence du Tawny encore, le Vintage vieillit en bouteilles. Il est mis en bouteilles seulement après deux ans en fûts, poursuivant et achevant son vieillissement en bouteilles, pendant une période variant de 15 à 20 ans (et plus) selon la qualité du millésime. Ne soyez pas étonné quand vous en déboucherez un : on constate souvent un dépôt assez important qu’il faut séparer du liquide en décantant chaque bouteille. Une bouteille de Porto Vintage digne de ce nom se doit d’être ouverte une bonne heure avant d’être servie, afin de laisser le breuvage respirer. A noter qu’au-delà d’une journée, le Vintage ouvert et décanté perd son corps et son bouquet.
Ce sont seulement certaines années qui méritent d’être classées “Vintage” et le sont par décision de l’ensemble des producteurs et non par un seul unilatéralement (un bel exemple de conscience professionnelle). Le premier Porto Vintage daterait de 1775, et la meilleure cuvée de toute l’histoire du Porto date de 1896, suivie par le fameux 1931, le vintage du siècle.
En Angleterre, le Vintage Port se boit de façon traditionnelle en fin de repas, après le dessert et avec un fromage bleu (stilton) accompagné de biscuits. A la différence également du Tawny, un Porto Vintage ne doit pas être bu avant dix ou quinze ans pour être véritablement un Vintage digne de ce nom. Si vous l’achetez relativement jeune, vous devez donc prévoir de le conserver en caves dans des conditions semblables à celles des vins de garde traditionnels. Cela, on s’en doute, en augmente le prix, mais de façon non exagérée, puisque je considère que les très grands vins de Porto bénéficient d’un rapport qualité-prix exceptionnel, certainement beaucoup plus mérité que quelques bouteilles extravagantes de Cognac. Il faut le boire à une température correcte, pas trop chaud en tout cas (de 16 à 18°). En principe, le Vintage est au sommet de sa forme après trente ans. L’exception confirmant la règle, j’ai bu à Gaia un 1863 (vous lisez bien) absolument étonnant…
Les régions de Bairrada et de Dao
Aux côtés de quelques bons vins blancs mousseux produits en petite quantité (goûtez surtout l’Azul des Caves do Barrocao), c’est ici que l’on trouve les meilleurs vins rouges portugais.
Le vignoble de Bairrada, planté sur un sol argileux en majorité du cépage Baja, s’étend entre Aveiro et Coimbra. On trouve de bons vins, avec une base tannique équilibrée, ronds et parfumés, à la fois corsés et fruités, d’excellente évolution. Plus à l’est, dans le vignoble de Dao, c’est le raisin Touriga nacional qui prédomine, planté sur des coteaux, dans des sols plus granitiques.
Les vins du centre et du sud
C’est au centre et au sud du pays, pratiquement le long de l’océan, que sont concentrés la plupart des autres vignobles portugais, souvent source de gros rendements. Des vins rouges, rosés et blancs, ces derniers mousseux, secs, demi-secs ou doux. On trouve de tout ici, du plus simple des vins au plus étonnant. En réalité, j’ai surtout envie de vous faire découvrir trois styles de vins qui me semblent valoir un détour.
En face de Lisbonne, à l’ouest, près d’Estoril, la région avoisinant l’embouchure du Tage produit le Carcavelos, issu d’un minuscule vignoble. Un très bon vin viné liquoreux d’apéritif qui sent les fruits mûrs et la noisette, déjà réputé au XVIIIe siècle.
Plus intéressant, exploité au nord de Lisbonne, le Moscate de Setubal, un vin muté, de forte teneur en alcool, très parfumé, puissant au nez comme en bouche, intense et persistant, avec ces connotations caractéristiques de fruits cuits, d’épices et de noix.
Pourtant, le vin que je préfère dans cette région du Portugal méridional est incontestablement celui provenant du petit vignoble de Colares qui s’étend près de Cintra, en bord de mer, à l’ouest de Lisbonne. Voilà un vrai vin rouge typé, authentique, issu principalement du cépage Ramisco planté dans le sable, un vin tannique, très riche, qui apporte concentration, couleur et astringence.
L’île de Madère
Le Vin de Madère est un vin mal connu dans notre pays, où il est soit associé à la simple préparation de sauces alimentaires, soit dégusté négligemment, c’est-à-dire sous le signe d’une distribution de bas de gamme. C’est pourtant un vin liquoreux avec un degré d’alcool compris entre 18 et 20 degrés, dont les différents types se divisent en sec, demi-sec, demi-doux et doux, qui peut réserver des surprises gustatives.
J’ai d’ailleurs dégusté, sur place il est vrai (était-ce l’atmosphère ?), quelques flacons de Solera, de Malvazia et de Verdelho qui valaient bien un détour par l’île, très belle au printemps (allez au superbe hôtel Reid’s, à Funchal, pour retrouver cette ambiance très britannique de fin de siècle). Le Madère est donc aussi un vin à part entière, riche d’histoire, qui a plus de 500 ans d’existence. On l’appelait d’ailleurs au XVe siècle le “vin de la route vers l’Inde”, lorsqu’il était chargé à bord des caravelles portugaises qui partaient en Orient.
J’estime qu’il existe en réalité cinq types de Madère dépendant, pour la plupart, des cépages d’où ils proviennent, dont la couleur peut varier du jaune paille (rainwater) au doré (malmsey). Globalement, voici ce qu’il faut retenir, même si l’évolution et l’âge des bouteilles peuvent parfois nuancer ces différents styles :
– Le vin Sercial est sec, léger, d’une couleur claire et délicatement parfumé.
– Le Malvazia est très doux, corsé, de couleur foncée qui tourne à l’ambre avec l’âge et d’un bouquet accentué.
– Le Verdelho et le Bual sont des types intermédiaires entre les deux premiers, le Verdelho se rapprochant davantage du Sercial et le Bual, plus doux, au nez intense, du Malvazia. On trouve également quelques très vieux vins sous la désignation de Solera. Le raisin est récolté et pressé sur les coteaux escarpés du vignoble. On descend ensuite le moût jusqu’aux caves dans de petis barils de bois ou dans des outres de peau de chèvre. Il est alors versé dans des cuves spéciales dites estufas où il fermente à une température soigneusement maintenue de 50°c. Cette fermentation donne naissance d’abord au vinho claro, ensuite au vinho trasfudado qui, selon les années, peut être mis immédiatement en bouteilles. Il s’appelle alors Vintage et prend sa place dans des soleras. Dans ces rangées superposées de fûts, il est graduellement mélangé à des vins qui sont plus âgés.