Dans le Sud-Ouest, les cépages et les sols ont une véritable influence, une véritable présence historique.De quoi montrer sa propre personnalité quand on en a comme c’est le cas à Cahors ou à Madiran.À quoi bon avoir de beaux cépages de caractère comme le Tannat, le Cot, La Négrette ou le Gros Manseng si c’est pour “lisser” les vins et les dépersonnaliser au point que l’on ne sait plus ce que l’on goûte ?
La complexité des terroirs et des climats est pourtant bien réelle dans la région, et prouve que l’on ne fait pas la même qualité, selon les aléas de la nature, au fin fond du Béarn ou dans le Lot. C’est ce qui compte, et crée la typicité. On peut donc regretter des cuvées surchargées par le bois et “fabriquées” pour avoir une bonne note auprès de “critiques”, ceci facilitant une hausse de prix totalement incautionnable.
Les vins du Sud-Ouest et leurs appellation
– Cahors ; AOC depuis 1971. Le vin de Cahors est l’un des plus anciens d’Europe. Sa naissance se situe cinquante ans avant Jésus-Christ, lorsque les Romains plantèrent de la vigne dans le Quercy. L’appellation couvre actuellement environ 4 100 ha plantés en vigne. Elle se situe au sud-ouest de ce département de part et d’autre du cours du Lot, à partir de Cahors et jusqu’à Soturac, dernière commune avant le Lot-et-Garonne, et s’étend sur 45 communes réparties dans 6 cantons, à savoir les cantons de Cahors, Luzech, Puy-l’Évêque, dans la vallée, Catus, sur le plateau nord, Lalbenque et Montcuq, sur le plateau au sud.
La spécificité la plus originale du microclimat cadurcien est liée à la topographie très particulière du site viticole. Elle réside, d’abord, dans l’imbrication étroite de la vallée dans le socle calcaire du causse qui la protège des masses d’air froid venues du nord et de l’est, et, ensuite, dans les méandres invraisemblables que décrit le Lot, entre Cahors et Puy-l’Évêque, comme s’il n’arrivait pas à quitter le vignoble enserré dans ses boucles, conscient qu’il serait du rôle protecteur et bénéfique de ses eaux, à la fois comme volant thermique et réserve hygrométrique permanente.
Selon qu’ils proviennent de secteurs différents (l’appellation est très étendue et les sols ne sont pas du tout les mêmes à Prayssac ou à Parnac), ils ont deux styles bien particuliers, du plus “léger” au plus corsé, mais tous reconnaissables entre mille grâce aux cépages classiques Malbec et Tannat, qui se plaisent dans ces sols complexes, où les graves s’associent à des alluvions anciennes. En fait :
– Les premières terrasses argilo-limoneuses, limono-sableuses et graveleuses, sont aptes à produire des vins légers et friands, à boire plutôt jeunes.
– Les deuxièmes terrasses et les coteaux de piémont, argilo-siliceux, argilo-calcaires, mêlés d’éboulis du causse, donnent des vins pleins, corpulents et de bonne garde.
– Les coteaux du rebord du causse et le plateau lui-même, calcaires et argilo-calcaires, sont susceptibles de produire des vins moins gras mais plus structurés, de belle garde.
Oubliez les vins de Cahors “primeurs”, à boire jeunes et frais, qui n’ont rien à voir avec le style de l’appellation.
– Gaillac ; Le vignoble s’étend sur les deux rives du Tarn. L’AOC regroupe 73 communes et trois terroirs distincts : les terrasses de la rive gauche, où les terrains sont surtout graveleux et bien exposés; les coteaux de la rive droite, exposés plein sud et protégés par les forêts, dont les sols sont principalement argilo-calcaires profonds; le plateau Cordais, avec des sols blancs calcaires et caillouteux.
– Gaillac blanc sec. D’une couleur jaune pâle aux reflets verts changeants, son fruité intense est délicatement structuré par des arômes envoûtants.
– Gaillac fraîcheur perlée. Il a la particularité de conserver après le travail du vigneron une quantité importante de très fines perles. Leurs rôles principaux vont être de conserver la sensation de fraîcheur et d’exacerber les arômes naturels des Mauzac ou Len de l’EI. À boire très frais, c’est un excellent vin d’apéritif et qui s’associe avec les fruits de mer.
– Gaillac doux. Des vins très parfumés (poire, pomme, pêche), onctueux, très abordables, à goûter avec le foie gras ou les fromages bleus.
– Gaillac mousseux. Élaboré par la méthode traditionnelle (dite aussi champenoise) ou par la méthode gaillacoise.
– Gaillac rouge. Issu des cépages Duras, qui apportent charpente, équilibre et une certaine nervosité, le Braucol (ou Fer servadou), avec sa note épicée, et la Syrah pour ses tanins et ses arômes de fruits rouges mûrs. Merlot et Cabernets sont les cépages complémentaires. Avec une robe profonde, un nez puissant, il possède un équilibre subtil, une dominante de fruits rouges (cassis, framboise…) et des notes d’épices tout à fait spécifiques.
– Gaillac primeur. Il ne peut être consommé qu’à partir du 3e jeudi de novembre, et doit être exclusivement issu du cépage Gamay (qui convient parfaitement à ce type de vin) et élaboré avec des raisins entiers non foulés.
– Gaillac rosé. De couleur cerise et franche, c’est un vin fin, nerveux, aux arômes fruités. Il accompagnera très agréablement vos repas estivaux.
– Jurançon ; C’est par le baptême du roi Henri IV que le vin de Jurançon (quelque 1 000 ha) acquiert ses titres de noblesse. Issus de vendanges tardives sélectionnées avec le plus grand soin, les liquoreux de l’appellation sont harmonieux, équilibrés, vifs, regorgent d’arômes de fleurs et de fruits, et se bonifient à partir de 7 à 15 ans, pour offrir un bouquet incomparable. Des vins racés. Excellent rapport qualité-prix. Sentant bon leurs vieux cépages pyrénéens, les vins secs de Jurançon sont subtils, nerveux et fruités. À boire jeunes et frais.
– Madiran ; L’origine géologique des sols de Madiran date du tertiaire et du quaternaire. Au regard de la variété géologique du sous-sol de la région, les sols sont également très différents. Les sous-sols sont toujours à base d’argile plus ou moins calcaire pouvant aller jusqu’à la forme “molasse” ou “marne”. Le terroir de Madiran se classe en 3 grandes catégories.
– La première, où sol et sous-sol sont constitués d’une masse argileuse de 2 à 3 m d’épaisseur, donnant naissance à des terres du type argilo-calcaire, terrefort ou argilo-siliceux, est située en hauts coteaux ou sur le versant ouest. Sa structure argileuse et profonde lui confère une très bonne capacité de rétention d’eau. Elle est souvent réservée au vignoble de Pacherenc-du-Vic-Bilh.
– La deuxième catégorie de sol est souvent localisée sur les versants est ; elle est considérée comme la plus caractéristique de l’appellation Madiran. Ce sol est communément appelé sol à “grepp”. Le grepp, ou alios, est une concrétion ferromagnésifère qui constitue une stratification rocheuse intermédiaire épaisse de 30 à 50 cm et dont la profondeur varie très irrégulièrement entre 20 cm et 1 m. Au-dessus de cette couche imperméable à l’eau et aux racines, nous trouvons souvent des boulbènes, pauvres en argiles et en matière organique. C’est de ce terroir que sont issus les vins intenses, noirs, concentrés, aux tanins généreux.
– La troisième catégorie, sur les coteaux restants, où se situent des zones d’argiles à galets constituées de limons argilo-sableux très caillouteux caractérisés par leur bonne régulation hydrique. En effet, les années sèches, les racines vont puiser la fraîcheur dans la profondeur des argiles. En année humide, ces sols sableux et caillouteux restent filtrants et bien drainés. Ce dernier terroir donne naissance à des vins plus ronds, aux tanins amples.
– Pacherenc-du-Vic-Bilh. Une petite (par la taille) AOC de 270 ha qui produit des vins blancs secs, bien typés et charmants, au nez subtil où l’on retrouve des notes de fleur d’acacia et de fumé bien caractéristiques. Là aussi, les progrès sont constants. Cépages : l’Arrufiat accompagné de Sauvignon, Sémillon, Courbu et Manseng.
– Béarn. Vers Orthez et Bellocq, les cépages connus (Cabernet-Sauvignon, Tannat…) côtoient d’autres raisins plus spécifiques comme le Fer Servadou et le Manseng, ce qui confère aux vins rouges richesse, typicité et générosité en bouche. Excellents rosés.
– Brulhois. Les vins du Brulhois (environ 205 ha), appelés “vins noirs” dès le xiiie siècle, sont d’un rouge rubis très soutenu. Le terroir particulier est associé à la présence de cépages typiques : Tannat, Cabernet franc, Cabernet-Sauvignon et Merlot, auxquels viennent s’ajouter le Fer Servadou et le Cot, qui donnent des arômes caractéristiques de confiture, de grillé, de fruits mûrs.
– Irouléguy. Le rouge est corsé et coloré. C’est un vin puissant qu’il faut laisser reposer (le temps qu’il perde son âpreté naturelle), et qui mérite d’être plus apprécié. Agréable rosé sec et franc.
– Buzet. Le vignoble de Buzet (2 120 ha) bénéficie d’un beau terroir situé sur les coteaux qui surplombent la vallée de la Garonne. Avec un encépagement quasi identique du vignoble bordelais, l’AOC Buzet est emmenée par la dynamique cave coopérative des Vignerons de Buzet qui joue un rôle déterminant dans la reconnaissance de ses vins. Elle contrôle la très grande majorité du vignoble et s’est donné les moyens de faire des vins de grande qualité en s’offrant des installations très performantes.
– Fronton. Près de Toulouse, le vignoble de Fronton (2 000 ha) est très ancien, et possède une typicité qui lui est propre grâce à son cépage prédominant, la Négrette, à laquelle s’associent les Cabernets, le Gamay, le Malbec ou la Syrah. À noter que les rosés sont souvent délicieux.
Les vins du Périgord et leurs appellations
Les rouges
Bergerac et Côtes-de-Bergerac. On distingue :
La rive droite
– Les terrasses de la Dordogne ; la vigne s’étend sur les sédimentations de la rivière (essentiellement alluvions anciennes et dépôts récents lessivés). Ces sols maigres, souvent constitués d’apports colluviaux importants, sont d’excellentes terres à vigne. Ces terrains ont été délimités dans l’aire AOC de Montravel, productrice de vins blancs secs.
– Le vignoble de plateau (Villefranche, Saint-Médard-de-Gurson, Ponchapt) constitué d’un soubassement calcaire, recouvert des sables et de gravier du Périgord. Cette région fait partie de la zone des Côtes-de-Haut-Montravel, vins blancs moelleux.
– Les pentes sud au nord de Bergerac abritent les vignobles de Pécharmant (rouge) et de Rosette (blanc moelleux) ; les coteaux, recouverts de sables et de gravier du Périgord, sont disposés en hémicycle autour de Bergerac.
La rive gauche
– Les coteaux, au sud de Bergerac, s’abaissent en une succession d’ondulations et de croupes de moins en moins accusées. Cette caractéristique topographique explique les possibilités viticoles sur un versant nord largement ensoleillé. Sur les pentes, au sol argilo-calcaire, se déploie notamment le vignoble de Monbazillac.
– Une zone de plateaux plus ou moins érodés succède ensuite à cette côte. Ces plateaux, aux sous-sols calcaires (calcaire de Monbazillac, calcaire de Castillon), sont recouverts de sols variant des limons décalcifiés (type boulbène) aux sols argilo-calcaires. Cette région constitue l’aire géographique de l’appellation Bergerac. D’une intense couleur sombre, les Côtes-de-Bergerac rouges sont issus des meilleures sélections de chaque viticulteur et bénéficient souvent d’un élevage en fûts.
Pécharmant. Cabernet franc, Cabernet-Sauvignon, Cot ou Malbec et Merlot noir, tels sont les cépages qui participent à l’élaboration de l’appellation Pécharmant. La particularité de son sol, dénommé “sables et gravier” du Périgord, est qu’il renferme en profondeur une couche d’argile ferrugineuse appelée “tran”.
Les blancs
– Bergerac blanc. Des vins fins, légers et fruités, qui sont en progrès, ce qui est une bonne chose. Très proches des Bordeaux blancs secs. Certains sont aujourd’hui remarquables, associant nervosité et rondeur en bouche. Les Côtes-de-Bergerac blancs se divisent en trois catégories : demi-sec, moelleux et doux, selon leur richesse en sucre. Les Côtes-de-Bergerac moelleux représentent l’essentiel de la production (Sémillon).
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– Monbazillac. Issue de l’assemblage de trois cépages, Sémillon, Sauvignon, Muscadelle, l’AOC Monbazillac est récoltée par vendanges manuelles et tris successifs, pour ne choisir que les grains de raisin atteints de cette fameuse et miraculeuse “pourriture noble”.
– Saussignac. Nés de l’assemblage du Sémillon, Sauvignon, Muscadelle, Ondenc et Chenin, les vins bénéficiant de l’appellation Saussignac sont exclusivement des vins blancs moelleux.
– Rosette. Essentiellement issue de l’assemblage de trois cépages, Sémillon, Sauvignon, Muscadelle, l’AOC Rosette est un vin blanc à la robe légèrement paillée. Moelleux, souple et rond.
– Montravel. Les vins de Montravel ont accédé au statut de vins d’appellation d’origine contrôlée en 1937, montrant ainsi l’antériorité des traditions viticoles en Dordogne. La production des vins blancs se répartit entre Montravel (sec), Côtes-de-Montravel et Haut-Montravel (moelleux). Ces vins sont issus d’un assemblage de Sémillon, Sauvignon et Muscadelle. L’Ondenc et le Chenin peuvent servir aussi à l’élaboration de l’appellation.
– Duras. Dans le Lot-et-Garonne, touchant la Gironde, l’aire géographique de l’appellation correspond à celle du canton de Duras. La vigne s’étend sur les sommets ou les versants sud des coteaux (1 800 ha). Deux grands types de sols : les parties supérieures sont constituées par des molasses de l’Agenais ou du Fronsadais (boulbènes) et plantées de cépages blancs ; les argiles compactes mélangées de calcaires divers de l’Agenais, de Monbazillac, calcaires à astéries ou résidus lacustres, occupent les pentes et sont les terrains privilégiés des vins rouges.
Côtes-du-Marmandais. Des vins rouges (Cabernet, Merlot et Malbec), à la fois souples et charnus, et des blancs, francs, fruités, vifs et ronds.
Les vins du Sud-Ouest à table
– Bergerac et Monbazillac. En Bergerac et Côtes-de-Bergerac, les rouges, parfumés et souples, sont adaptés à des viandes grillées, une côte de veau, un cassoulet ou une daube. Le blanc sec s’associe avec des écrevisses, des sardines grillées. Les moelleux, très fruités, aux connotations de miel, se goûtent à l’apéritif, en dessert sur une île flottante ou un flan, sur un bleu et le foie gras.
– Cahors. Un vin riche en couleur comme en charpente qu’il faut apprécier avec des tripes, du gibier (chevreuil), un caneton aux figues, une oie rôtie aux marrons et aux pommes.
– Gaillac. Le rouge s’adapte à la plupart des viandes et des plats légèrement épicés. Le blanc est vif et rond à la fois, à déboucher sur les poissons de rivière.
– Jurançon. En blanc sec, un vin au nez de fruits secs, racé, tout en bouche, avec les poissons de rivière, et, en moelleux, un vin bouqueté, onctueux et typé, qui s’accorde avec les mêmes mets que ceux des autres liquoreux.
Madiran. Complexe et concentré, très parfumé, aux tanins fermes et puissants, très typé, un vin qu’il faut savoir attendre, à boire avec une viande en sauce, le gibier à poil ou un cassoulet.
L’histoire des vins du Sud-Ouest
À la fin de l’Empire romain, au ive siècle de notre ère, les vignes s’étaient répandues à peu près dans toutes les régions, mais les grandes invasions n’arrangèrent pas les choses et l’agriculture vinicole en souffrit particulièrement.
Les vins de Gaillac, en pleine ascension, sont au XIIe siècle vendus plus cher. Ils ne craignent donc pas l’imposition de taxes élevées. De Bayonne ou de Dax transitent vers l’Angleterre les vins de la région : Bergerac, Cahors, Gaillac, Pamiers, mais Bayonne ne peut suivre l’extension prise par La Rochelle et, de ce fait, ne participe pas aux larges profits que celle-ci connaît. En 1215, Jean Sans Terre autorisa les habitants de Bayonne à “s’organiser en communes”, et en 1351 Édouard III les gratifia d’avantages liés au transport et à la vente de leurs vins en Angleterre. Cela eut pour effet un accroissement du commerce vers la Grande-Bretagne.
Les Chartreux ont laissé à Cahors le souvenir de leur passage. Fondé en 1328, leur monastère cultivait des vignes dont le vin était particulièrement prisé. De grands hommes l’ont savouré, dont Alexandre Dumas et Ingres.
Quant au Jurançon, produit dans la province de Navarre, sa célébrité fut assurée en 1553, lors de la naissance d’Henri, futur Henri IV. On raconte que son père, Antoine de Bourbon, grand amateur de Jurançon, le baptisa avec ce vin pour lui assurer force et vigueur. Henri iv sembla avoir conservé un bon souvenir de ce baptême puisqu’il continua à se faire livrer au Louvre le premier vin qu’il ait goûté. Peut-être le bon roi Henri doit-il à ce baptême particulier courage, vaillance et bonne humeur qui l’ont accompagné tout le long de sa vie. Le Jurançon a été, aussi, le vin des souverains d’Aragon et de Béarn. Les marins anglais venaient le chercher à Bayonne, les Hollandais le faisaient voyager jusqu’aux pays scandinaves. D’autre part, pour sceller le traité d’union de Kalmar, les délégués de la Suède, de la Norvège et du Danemark sortirent des caves du palais quelques vieilles bouteilles de Jurançon.