En Languedoc, il s’agit donc de ne pas confondre l’ensemble d’une progression qualitative certaine et le développement de ces vins “fabriqués” et “putassiers” accolés à des prix inexcusables sous prétexte que l’on peut mettre sur une étiquette les noms de Chardonnay ou de Merlot (pour les IGP), ou que l’on croit qu’il suffit d’acheter des barriques neuves et se payer les services d’un œnologue “tendance” pour faire un grand vin. On va se contenter des producteurs qui élèvent des vins racés et typés, dans l’ensemble du territoire, des Corbières à Saint-Chinian, de Faugères en Minervois, en passant par les Coteaux-du-Languedoc, Fitou ou vins de pays, à des prix remarquables.
Des grands vins ici, il y en a, mais les terroirs sont connus et ne s’étendent pas. La force de ces vins est d’avoir su conserver leur spécificité qui se dévoile au travers des cépages de la région, chacun s’exprimant au mieux selon les sols d’alluvions, d’ardoise, de schiste ou de calcaire, en bénéficiant d’un beau rapport qualité-prix.
L’année 2007 marque un virage important avec l’avènement de l’appellation Languedoc, le socle de la réorganisation qui touche toute la gamme des AOC du Languedoc-Roussillon. Issue de l’élargissement de l’appellation Coteaux du Languedoc (qui date de 1960), l’AOC Languedoc s’étend de la frontière espagnole jusqu’aux portes de Nîmes et couvre le vignoble de toutes les aires d’appellations contrôlées du Languedoc. On dénombre ainsi 36 appellations et dénominations qui se positionnent autour de l’AOC Languedoc. Pas sûr que ce soit plus simple de s’y retrouver…
Les vins et leurs appellations principales
– Corbières
L’appellation (13 000 ha) s’étend des portes de Carcassonne aux étangs de Leucate et de Nouvelles, des contreforts des Pyrénées aux pieds de la montagne Noire, un quadrilatère compris entre Carcassonne, Narbonne, Perpignan et Quillan. Entre les remuantes Pyrénées et le vieux Massif central, les Corbières ont connu une histoire géologique très complexe qui explique une grande diversité de sols (schistes, calcaire, grès, marne…). Cette diversité se traduit par la distinction de 11 terroirs répartis sur l’ensemble de l’appellation. Le climat est dominé par l’influence méditerranéenne que l’on retrouve dans une végétation typique de la garrigue ; certains terroirs, les plus occidentaux, ressentent l’influence océanique. Cépages : Grenache, Syrah, Mourvèdre, Carignan, Cinsault pour le rouge et le rosé. Grenache blanc, Bourboulenc, Maccabéo, Marsanne, Roussane pour le blanc.
– Minervois
Une AOC depuis 1985 (4 200 ha). Le territoire est un vaste amphithéâtre délimité par le canal du Midi au sud, la montagne Noire au nord sur une étendue qui court des hauts de Narbonne aux portes de Carcassonne. La Clamoux, l’Argent double, l’Ognon et la Cesse descendant de la montagne Noire vers l’Aude ont créé une série de terrasses faites de galets, de grès, de schistes ou de calcaires. Au nord-ouest, près de Caunes-Minervois, ce sont les veines de schistes et de marbre rose. Cépages : Syrah, Mourvèdre, Grenache, Carignan, Cinsault pour le rouge ; Marsanne, Roussane, Maccabéo, Bourboulenc, Clairette, Grenache, Vermentino et Muscat à petits grains pour les blancs. L’AOC Minervois La Livinière (depuis 1998) regroupe six communes : Azillanet, Azille, Cesseras, Félines-Minervois, La Livinière et Siran, et est issue des Syrah, Mourvèdre et Grenache (au minimum 60 %), avec un complément par les Carignan, Cinsault, Terret, Picpoul et Aspiran.
– Fitou
Située ente la mer Méditerranée et la montagne du Tauch, au nord du Roussillon et de la frontière espagnole, sous un climat sec et très ensoleillé, la zone d’appellation Fitou s’étend sur 9 communes : Leucate, Fitou, Treilles, Caves, Lapalme pour les Corbières du littoral et Cascatel, Paziols, Tuchan et Villeneuve dans les hautes Corbières. L’appellation existe depuis 50 ans (2 500 ha). De petites collines séparées de la mer par des étangs lagunaires, un sol argilo-calcaire pour la partie maritime du terroir. La zone montagneuse se caractérise par des sols de schistes de faible profondeur. Quelques terrasses caillouteuses dans le fond du bassin Tuchan-Paziols. Le climat est méditerranéen avec; sur le littoral, une faible pluviométrie en partie compensée par l’humidité de l’air. L’arrière-pays, isolé de la mer par une barrière rocheuse, est plus sec. Les vins, rouges uniquement, sont issus de 2 cépages traditionnels, le Carignan (30 % minimum) et le Grenache noir auxquels se marient la Syrah et le Mourvèdre (sur les vignes maritimes).
– Coteaux-du-Languedoc
L’appellation (depuis 1985) s’étend sur 9 700 ha le long du littoral méditerranéen de Narbonne à l’ouest aux confins de la Camargue à l’est et s’appuie aux contreforts de la montagne Noire et des Cévennes. Faugères, Saint-Chinian et Clairette du Languedoc sont reconnus comme cru, avec leur décret spécifique. La géologie est constituée surtout de calcaire dur des garrigues et de sols schisteux, mais aussi de graves calcaires apportées par d’anciens bras du Rhône. Cépages principaux pour le rouge et le rosé : Grenache, Syrah et Mourvèdre (50 % minimum) aux côtés du Cinsault et du Carignan. Pour le Pic Saint-Loup : Syrah, Grenache, Mourvèdre (90 % minimum). Pour la Clape : Syrah, Grenache, Mourvèdre (70 % minimum). Pour le blanc : Grenache, Clairette, Bourboulenc, Picpoul, Roussane, Marsanne et Rolle. Pour le Picpoul de Pinet : 100 % Picpoul.
– Faugères
Une AOC depuis 1982 (2 000 ha). Au nord de Béziers et de Pézenas, un terroir qui part de la plaine pour grimper sur les premiers contreforts des Cévennes à 300 m d’altitude. Les vignes sont essentiellement plantées sur des schistes produits par la compression, lors de la formation du Massif central, des argiles issues des dépôts marins de l’ère primaire. Les sols sont très filtrants, peu fertiles et très acides. Cépages : Syrah, Grenache, Mourvèdre, Carignon et Cinsault.
– Saint-Chinian
L’AOC date de 1982 (3 100 ha). Située au nord de Béziers dans le département de l’Hérault, au pied du massif du Caroux et de l’Espinouse, elle regroupe vingt villages. Le terroir est partagé en deux par les cours de l’Orb et du Vernazobres. Au nord, les schistes et les grès dominent et peuvent occuper 90 % du volume du sol dès 40 cm de profondeur. Au sud, c’est le calcaire déposé par la mer au secondaire qui se marie à la bauxite et à l’argile. Rendement moyen : 42 hl/ha.
– Pic Saint-Loup
Syrah, Grenache, Mourvèdre (90 % minimum). Pour la Clape : Syrah, Grenache, Mourvèdre (70 % minimum). Pour le blanc : Grenache, Clairette, Bourboulenc, Picpoul, Roussane, Marsanne et Rolle. Pour le Picpoul de Pinet : 100 % Picpoul.
– Limoux
L’appellation est très homogène : 1 800 ha, 542 producteurs, 1 cave coopérative.
– Blanquette : AOC depuis 1938, Mauzac (90 % minimum), Chenin et Chardonnay. Crémant : AOC depuis 1990, Mauzac (60 % minimum), Chardonnay, Chenin (20 % maximum chacun). Après une première fermentation et l’obtention des vins de base de chaque cépage, on procède à l’assemblage et on ajoute une liqueur de tirage qui provoque une seconde fermentation, celle-ci en bouteille. Le vin “prend mousse”. Après 9 mois de repos, à l’élimination du dépôt qui subsiste, on ajoute la liqueur d’expédition qui donne le caractère brut ou demi-sec.
– Blanquette méthode ancestrale : AOC depuis 1938, 100 % Mauzac. Fermentation entièrement naturelle, mise en bouteille à la vieille Lune de mars, moins de 7° d’alcool acquis.
– Limoux : AOC depuis 1993, Mauzac (minimum 15 %), Chardonnay, Chenin. Vinification et élevage en fûts de chêne.
Les vins du Languedoc à table
Corbières, Côtes-du-Roussillon, Fitou, Coteaux-du-Languedoc et Minervois. En rouge, le vin est marqué par des connotations fruitées et épicées caractéristiques qui lui permettent de tenir sur le gibier, les saucisses, le lièvre, avec un brie, sur les cassoulets du pays voire sur les pâtés à base de viande de mouton, qui sont légèrement sucrés. Le rosé se déguste sur les terrines ou un poulet basquaise, et les blancs avec les poissons, des volailles rôties ou sur un lapin à la moutarde.
ROUSSILLON
Les vins et leurs appellations
– Côtes-du-Roussillon
L’appellation date du 22 mars 1977 (8 000 ha environ). Les Côtes-du-Roussillon-Villages (25 communes) sont plus corsés, d’une agréable structure tannique et de bonne garde. Très agréables vins blancs aussi, au bouquet floral, nerveux et frais, issus du Maccabéo.
– Les Vins Doux Naturels
Le mutage
Grâce à cette découverte, baptisée mutage, les vignerons apprennent à stabiliser leur vin doux par l’apport d’eau-de-vie. Pour conserver au jus de raisin une partie de ses sucres, on lui ajoute, en cours de fermentation, une proportion d’alcool d’origine vinique à 96° (5 à 10 % du volume du moût) afin de stopper l’action des levures. Ce procédé, appelé mutage, peut intervenir plus ou moins tôt sur la fermentation selon que l’on veut obtenir un vin doux naturel de type doux ou de type sec. Tôt, le vin sera doux, tard, il sera sec. Le mutage peut se faire sur le jus de coule, une fois le raisin débarrassé de ses peaux, ou sur les parties solides. La seconde méthode est plus onéreuse car il y a une perte d’alcool conséquente au moment du pressurage, mais elle permet d’extraire le maximum de tanins, d’arômes et de matières colorantes pour l’élaboration des vins de longue garde.
Les vins terminés titrent entre 15° et 18° d’alcool acquis. Ils sont ensuite longuement élevés en cuves, sous bois ou en bouteilles et, parfois même, dans des bonbonnes de verre exposées à l’extérieur pour accélérer les effets du vieillissement.
Les VDN seront parmi les premiers vins à bénéficier du régime des appellations d’origine contrôlée : le 18 septembre 1909, Banyuls ; le 6 août 1936, les AOC Maury, Rivesaltes, Côtes d’Agly et Côtes-de-Haut-Roussillon, l’AOC Muscat de Rivesaltes ; le 28 août 1956. L’AOC Banyuls Grand Cru était reconnue le 24 juin 1964. Enfin, le décret du 19 mai 1972 regroupait les appellations Rivesaltes, Côtes-d’Agly et Côtes-de-Haut-Roussillon sous une seule : Rivesaltes.
Sur ces terres arides, les vieux ceps (en moyenne 40 ans) ne peuvent guère offrir que 25 hl/ha, le rendement maximum autorisé par les décrets étant de 30 hl/ha, soit moins d’une bouteille par pied de vigne. Généralement, les vendanges commencent dès les premiers jours de septembre avec la cueillette du muscat à petits grains et elles se terminent mi-octobre dans les secteurs de Banyuls et de Maury avec celle du grenache noir.
– Rivesaltes
Des Corbières de la Méditerranée aux Albères, en passant par les terrasses des Aspres, le vignoble de Rivesaltes (Hautes Rives en catalan) s’étend sur l’ensemble de l’aire de production des vins doux naturels du Roussillon à l’exception du Banyuls. Les cépages cultivés sont la Malvoisie, les Grenaches blanc, gris et noir, et le Maccabéo. Ce sont peut-être les plus diversifiés des vins doux naturels ; ils se bonifient avec l’âge.
– Muscat de Rivesaltes
Produit à base des muscat d’Alexandrie et muscat à petits grains, le Muscat de Rivesaltes n’a jamais laissé indifférent le profane ou l’amateur éclairé. Historiquement le plus célèbre, c’est un vin plein de finesse, de feu, de fruité, à l’arôme racé, dont l’origine remonte à l’époque où le Roussillon était province espagnole.
– Banyuls
Le Banyuls est vinifié essentiellement à partir des cépages Grenaches noir et gris accrochés aux dernières terrasses schisteuses des Albères qui bordent la frontière espagnole. Sa générosité, son velouté et son bouquet en font un vin de classe auquel le vieillissement donne une rude saveur et une robe topaze aux reflets d’or.
– Maury
Dans la vallée de l’Agly, au pied des ruines de la citadelle cathare de Quéribus, le vignoble de Maury est un des hauts lieux des vins doux naturels. Sur les schistes brûlés par le soleil, les ceps de Grenache noir produisent un vin rouge qui, après quelques années de vieillissement, devient vigoureux et acquiert une robe ambre foncé très caractéristique.
L’histoire des vins du Languedoc
Postérieurement à Marseille, mais bien avant le reste de la Gaule, la région de Narbonne prénommée “la Narbonnaise” connut une telle prospérité que Pline l’Ancien n’hésita pas à dire : “Ce n’est pas une province, mais l’Italie elle-même.” Réduite en province de l’empire dès 120 avant J.-C., la Narbonnaise s’adonna à la culture de la vigne, aidée par son climat. Les vins de la Narbonnaise, amenés jusqu’à Lugdunum, repartaient vers de nouvelles directions après un temps d’arrêt plus ou moins prolongé dans les magasins des négociants de la ville. Le commerce du vin subissait, alors, différentes taxations : droits d’octroi, droits de douane à l’entrée et à la sortie, droits de circulation. Ces taxes avaient toutes l’apparence d’actes de vexation, presque de concussion. On retrouve la trace de cet impôt illégal sur le vin dans le plaidoyer de Cicéron pour Fontéius, en 69, qui fut propriétaire de la Narbonnaise de 78 à 73. Au Xe siècle, les Maures saccagèrent les vignes dans Saint-Michel, créées à Gaillac en 960 par le comte Raymond Ier de Toulouse, qui contribua, par le travail acharné de ses moines, à faire refleurir les vignes.