C’est quoi, un terroir ? C’est la véritable osmose entre le sol (le cru par extension), le cépage, l’exposition, la climatologie et le vigneron. On comprend pourquoi nous attachons autant d’importance au vigneron ou à la vigneronne.Sans eux, pas de terroir, rien que des sols !
On ne peut donc pas parler “terroir” dans une globalité. Historiquement, ce sont principalement les Moines qui créèrent les premières notions de “Crus” (voir plus loin).
Prenons les deux régions où le concept de terroir est certainement le plus intense : l’Alsace et la Bourgogne (voir Introductions). Là, évidemment, les sols et sous-sols sont d’une complexité millénaire et cela ne donne pas les mêmes raisins à 10 m d’intervalle, d’autant plus que nous sommes en mono-cépage. L’exposition a une incidence considérable, les pentes, collines et plaines n’offrent pas la même possibilité qualitative. D’une manière générale, les vignobles de mi-pente sont les plus propices aux grands vins. Le climat est également très favorable, avec des incidences semi-continentales (l’une des plus faibles pluviométries de France pour l’Alsace), et particulièrement sensible, en Bourgogne, selon l’altitude des vignobles (entre 120 et 400m)…
Dans ces deux régions, donc, le Cru (Grand ou non) se définit comme un produit émanant du sol, caractérisé par un bouquet original se maintenant à travers les vicissitudes climatiques. Ensuite, la main de l’homme va faire la différence, et l’on sait que, le vigneron, sait de quoi il parle et met ses mains dans les vignes.
Le Beaujolais peut aussi revendiquer des sols et sous-sols conséquents et la même notion de Cru : d’ailleurs, on est aussi mono-cépage, et le Gamay ne donne pas les mêmes vins sur des sols de granite rose, de schistes, de sable granitique ou de filons argileux, et les hommes sont à la hauteur de leurs vignes.
On retrouve ainsi cette notion de Cru en Champagne.Les Grands et Premiers Crus correspondent bien à une classification territoriale, que ce soit dans la Côte des Blancs, la Montagne de Reims ou la Vallée de la Marne.
Les Grands Crus reposent, en général à mi-coteau, sur une mince couche d’éboulis provenant des pentes tertiaires, où affleure la craie du crétacé supérieur avec ses fossiles caractéristiques. Cette assise est recouverte par une couche de terre meuble et fertile, d’une épaisseur variant entre 20 et 50 cm. La craie en sous-sol assure un drainage parfait permettant l’infiltration des eaux en excès, tout en conservant au sol une humidité suffisante. De plus, elle a la faculté d’emmagasiner et de restituer la chaleur solaire, jouant ainsi un rôle régulateur extrêmement bénéfique à la maturité, complémentaire de l’action stabilisatrice des bois et forêts. C’est enfin à la craie, avant tout, que les vins de Champagne doivent leur finesse et leur légèreté.
Pourtant, pendant bien longtemps, personne ne parlait vraiment des terroirs mais uniquement des assemblages. C’est aujourd’hui la région qui nous prouve la force de ces sols et ou la notion de “terroir” prend tout son sens grâce à une volonté qualitative exemplaire que l’on trouve dans toute la région champenoise.
On n’est pas dans le même schéma pour Bordeaux, où la classification de 1855 du Médoc a été faite par le négoce de l’époque en fonction des sols (certes), mais aussi de la valeur marchande de tel ou tel cru. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les vignerons libournais n’avaient pas eu droit aux mêmes faveurs, étant considérés comme des “paysans”. Il vaut mieux en rire.
La région saint-émilionnaise pourrait d’ailleurs avoir une classification des sols aussi précise que l’Alsace et la Bourgogne.En fait, si l’on s’attachait à restituer la véritable qualité intrinsèque des sols, il faudrait que l’on intègre ceux de Montagne/Saint-Georges ou Puisseguin/Lussac provenant notamment de sols calcaires ou argilo-limoneux sur calcaire dur (plateaux, coteaux et pieds de côtes) à ceux de Saint-Émilion qui partagent ces mêmes sols, similitude oblige, alors que Saint-Émilion possède des sols si disparates (on va d’un sol avec nappe d’eau permanente à des sols graveleux, argiles ou de calcaires) qu’une véritable hiérarchie naturelle s’impose, bien loin de celle d’un classement “officiel” ridicule (voir Introduction Bordeaux).
Naturellement, les sols ont une grande influence en Médoc, graves garonnaises à Saint-Julien, quartz et cailloux roulés à Saint-Estèphe, croupes de graves maigres à Pauillac, graviers et cailloux à Margaux, formation caillouteuse en Médoc.
A Pomerol, ce sont des graves de surface plus ou moins compacte ou sablonneuse, et un sous-sol comportant des oxydes de fer, appelés régionalement “crasse de fer”, qui assurent aux vins leur personnalité.
Pour les Graves, la terre est graveleuse (le mot “graves” vient de là), pauvre, mais secourue par un climat adéquat. Et la qualité entre d’autres vins d’appellations (Côtes, Bordeaux Supérieur) vient aussi, très souvent, d’une différence fragrante de sous-sols.
Pour le Sud-Ouest, on va du socle calcaire du causse de Cahors aux calacaires-graveleux de Gaillac, en passant par les calcaires de Monbazillac et les sables et graviers du Périgord.
Deux autres régions possèdent des sols dont l’importance est flagrante : le Rhône et la Loire.
Pour la Loire, en Pays Nivernais, les silex, caillotes ou terres blanches de Sancerre, où les pentes sont importantes et le stress hydrique naturel (importante proportion de cailloux, très faible volume de terre fine exploitable par les racines et des réserves d’eau relativement faibles). Il en est de même à Pouilly-Fumé (sols argilo-calcaires, marnes kimméridgiennes, argile à silex, calcaires portlandiens). Des sols où le Sauvignon se plaît à merveille !
En Anjou-Saumur, les sols de schistes prédominent, avec des complémentarités argilo-limoneuses ou de roches volcaniques, propices au Chenin et aux Cabernets, et ces fameux sous-sol de tuffeau en Anjou.
La Touraine, pour sa part, se partage des sols argilo-siliceux (“Perruches“), parfait pour les rouges, des terres argilo-calcaires (Aubuis), idéales pour les blancs, et des sols d’alluvions modernes (Varennes) où se plaisent les Bourgueil et Chinon. Et n’omettons pas la force des sols du Pays Nantais : schistes, micaschistes, gneiss (vins plus précoces), gabbros et roches vertes (vins plus tardifs).
Le Rhône peut se diviser en 2 parties : les rives droite et gauche septentrionales (Côte-Rôtie, Sain-Joseph, Cornas, Châteauneuf…) entremêlées de pentes et de plateaux, les terrasses graniques, les sols argileux, schisteux, argilo-calcaires et les fameux galets de Châteauneuf amoncelés autrefois par les glaciers du Rhône.
Et les rives droite et gauches méridionales (Gigondas, Beaumes-de-Venise, Lirac, Vacqueyras, Cairanne, Vinsobres…), où les sols sont également très variés : galets roulés, grès, sables, limons, cailloux, argiles…
En Languedoc, pendant longtemps, personne ne s’aventurait à promouvoir un terroir (lire l’Introduction).Depuis une trentaine d’années, les hommes ont pris faits et armes pour accéder à cette notion de “terroir”, sachant mettre en avant des sols extrêmement variés : schistes, calcaire, grès, marnes (Corbières), galets, grès, schistes, calcaires, marbre rose (Minervois), calcaire dur des garrigues et sols schisteux, graves calcaires (Languedoc), schistes, grès et calcaire (Saint-Chinian) ou schistes et argiles (Faugères)… Désormais, le terroir joue à plein ici et un Saint-Chinian se distingue d’un Corbières, un Minervois d’un La Clape, un Faugères d’un Picpoul, et on ne peut que s’en réjouir.
La Provence, même si l’on ne parle que de ses rosés, a aussi des compétences territoriales.Bandol et Cassis, bien sûr, mais aussi dans les autres appellations, se côtoient en restanques, coteaux ou plaines, des sols argilo-calcaires caillouteux, sableux, souvent graveleux sur molasses et grès, pauvres en humus…