Du plus grand des grands vins au plus modeste, ici, les propriétaires maintiennent une identité forte : intrinsèquement, un Margaux n’a rien à voir avec un Pauillac (ni même avec un autre Margaux, tant les sols sont différents dans l’appellation), un Moulis doit refléter l’élégance quand c’est la structure qui signe un Saint-Estèphe… Les terroirs font les vins ! Pas besoin de tricher avec des manipulations œnologiques ou des élevages qui abrutissent les vins. Nul besoin non plus de prix extravagants, puisque l’on se fait plaisir dans une gamme cohérente et accessible.
J’ai hésité à faire monter en “Premiers” Lynch-Bages, Pontet-Canet,Calon-Ségur, Brane-Cantenac, et j’attends une verticale sur place avant de confirmer cela, seule une grande dégustation étant à même de “juger” l’évolution d’un cru.
Dans une palette exceptionnelle, toutes appellations du Médoc confondues, les valeurs sûres sont toujours La Galiane, Fourcas-Dupré, Lamarque,Maucaillou, Fonbadet, Fontesteau, les crus de la famille Lapalu,Hourbanon, Souley Sainte-Croix, Esteau, Saint Ahon, Hourtin-Ducasse,Panigon, Mongravey, David, Plantier Rose, Pomys, Doyac, Le Meynieu,Coudot, Loirac, Hennebelle…
Voilà les vins les plus chaleureux de la région bordelaise, où les senteurs de truffe se mêlent à la mûre, à la cannelle, à la cerise ou à la réglisse, la chair s’associant à une texture dense, ample, naturellement veloutée, le tout donnant des vins que les propriétaires élèvent à leur image chaleureuse.
Lalande-de-Pomerol est très bien représenté avec Bourseau, Roquebrune,Moines, Viaud, Belles-Graves, Voselle et Béchereau.
SAINT-EMILION
C’est l’entité la plus décevante. On est ici dans la région où se mêlent de vrais terroirs, souvent en coteaux, et d’autres coins où le maïs pourrait y cotoyer la vigne. On a donc accès, soit, à de vrais vins racés, du plus grand au plus abordable, marqués par des sols historiques, et à des vins où les sols ont peu de réelle influence, beaucoup plus “signés” par des vinifications trop sophistiquées qui donnent des vins très concentrés au détriment de la finesse.
Trotte Vieille est de plus en plus meilleur, les crus de Capdemourlin,Piganeau, Cantenac, Laroque, Mauvinon, Rivière, également, ce qui explique leur place dans le Classement (pensez toujours au rapport qualité-prix-plaisir), et je ne suis toujours pas preneur de crus trop chers, sirupeux, que je n’ai pas besoin de vous citer et qui ne sont pas dans mon Guide.
Dans la lignée, La Marzelle, Fonroque, Cadet-Bon, Clos des Prince, Clos Labarde, Orisse du Casse, Gros Caillou, Franc Lartigue, Guillemin La Gaffelière, Croix Meunier, les crus de la famille Ouzoulias…
En Pessac-Léognan comme en Graves, après une série de millésimes exceptionnels, du 2010 au 2002, il y a d’incontestables vins de très haut niveau, dans une gamme de prix large, mais il y a également des vins décevants, bons certes, mais “dépersonnalisés”. Il est indispensable de s’attacher à la réelle typicité des terroirs et de soutenir les hommes qui restent fidèles à ces sols très spécifiques.
J’attends le bon vouloir de Haut-Brion/Mission pour une verticale : on m’a proposé, en janvier 2015, après ma demande d’Octobre 2014, de le prévoir en… Janvier 2016, ce qui, vous me l’accorderez, ne me facilite pas la tâche (sic) pour vous renseigner dans cette édition.
En Graves, quatre crus sortent du lot : Chantegrive, Grand Bos, Rose Sarron et Mauves (en progrès constants). Dans la lignée, des domaines confirment leur beau niveau qualitatif, même après une série de millésimes délicats (2011, 2012) ou très difficile comme le 2013 : Arricaud, Vimont,Brondelle, Le Tuquet, Haut-Calens, Blancherie, Rougemont et Magence. Vous lirez tout cela en détail.
Je connais parfaitement ces appellations, de Bourg à Castillon, et ce sont celles où les déceptions sont les plus grandes : on ouvre 30 bouteilles différentes et on tombe sur 25 qui se ressemblent ! Et bien malin de dire de quel coin elles proviennent. Selon les expositions, les sols, la complémentarité des cépages (Merlot souvent prépondérant), on peut passer du très beau au très simple. Les propriétaires talentueux se démarquent donc aisément des autres, sans avoir besoin de manipulations œnologiques, et c’est ainsi depuis des décennies.
BORDEAUX SUPERIEURS ET BORDEAUX
Comme dans les Côtes, il y a de tout, et l’appellation est tellement grande qu’il s’agit de savoir frapper à la bonne porte. On accède alors à des vins typés par des sols très différents (on ne fait pas les mêmes vins à Monségur ou à Frontenac, à Génissac ou à Pondaurat…) et l’on aurait donc tort de croire que les terroirs ne jouent pas leur rôle.
SAUTERNES ET LIQUOREUX
En voilà des vins qui possèdent une authenticité réelle : il faut dire que l’équilibre géologique et climatique de la région en fait un milieu naturel idéal pour cette fascinante biologie qu’est le botrytis cinerea. Ces vins rares, du plus liquoreux au plus fin, dont les prix sont largement justifiés quand on connaît les efforts des propriétaires, méritent alors d’être appréciés tout au long du repas, tant le charme opère.
La démarche d’Olivier Bernard (Chevalier), avec son Clos des Lunes, est un vrai succès et pose une question de bon sens : n’est-ce pas plus intelligent de faire un bon vin blanc sec issu de ce Sémillon plutôt que de se contenter de ces Sauternes sucrés de moyenne gamme, que l’on trouve encore, sans séduction, qui n’ont pas vraiment de débouchés ?