L’anthologie du vin
N’est-il pas raisonnable de penser que les gens qui ne boivent jamais le vin sont des imbéciles ou des hypocrites, des imbéciles, c’est-à-dire ne connaissant ni la nature, ni l’homme, etc., des hypocrites, c’est-à-dire des gourmands honteux, des fanfarons de sobriété, buvant en cachette ou ayant quelque vie occulte… Un homme qui ne boit que de l’eau a un secret à cacher à ses semblables.
Il y a, au commencement de chaque grand repas, deux sortes de regards furtifs : celui qu’on lance vers le décolleté de la belle madame, celui qu’on lance vers l’étiquette de la bonne bouteille.
Le vin a le pouvoir d’emplir l’âme de toute vérité de tout savoir et philosophie.
Il y a plus de paroles en un plein pot de vin qu’en un muid de cervoise.
Un grand vin n’est pas l’ouvrage d’un homme, il est le résultat d’une constante et raffinée tradition. Il y a plus de mille années d’histoire dans un vieux flacon.
Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. Quelle fidélité dans la traduction! Elle ressent, exprime par la grappe les secrets du sol. Le silex, par elle, nous fait connaître qu’il est vivant, fusible, nourricier. La craie ingrate pleure, en vin, des larmes d’or…
Sans morale, il n’y a plus de vin de Bordeaux, ni de style. La morale, c’est le goût de ce qui est pur et défie le temps.
Le vin est l’emblème de la civilisation… J’entends que, durant le repas, on ne parle que des vins et des breuvages.
Il s’agit du vin, c’est-à-dire de la partie intellectuelle d’un repas. Les viandes n’en sont que la partie matérielle.
Miracle du vin qui refait de l’homme ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’ami de l’homme.
Il n’est pas de moment plus gracieux dans la vie que l’instant où les convives, assis autour de la table bien dressée, prêtent l’oreille au chantre, tandis que l’échanson, puisant le vin dans l’amphore, remplit les coupes à la ronde.
J’espère noyer ma tristesse dans le vin mais il l’alourdit davantage.
Bacchus, le vrai, le seul, c’est Bacchus conservant toujours les mêmes grâces qui touchèrent Ariane. Aussi tendre que brillant c’est un dieu à suivre et non à craindre; toujours agréable à Vénus, il ne connut d’ivresse que l’ivresse de l’Amour.
Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres.
Je vais parler de la vigne avec la gravité qui sied à un romain lorsqu’il traite des arts et des sciences utiles; j’en parlerai, non comme le ferait un médecin, mais comme le ferait un juge chargé de se prononcer sur la santé physique et morale de l’humanité.
Le vin a la vertu de faire parler librement et franchement et de faire dire la vérité.
Jamais peuple n’a péri par l’excès du vin; tous périssent par le désordre des femmes. La raison de cette différence est claire : le premier de ces deux vices détourne des autres ; le second les engendre tous.
J’ai toujours remarqué que les gens faux sont sobres et la grande réserve de la table annonce assez souvent des mœurs feintes et des âmes doubles.
Un homme sobre boit du vin ce qu’un homme sage prend de l’Amour : de quoi connaître l’extase etnon l’ivresse.
Les vins français sont d’une telle variété et d’une telle splendeur que c’est presque une activité spirituelle que de les goûter.
Bonne cuisine et bons vins, c’est le paradis sur terre.
Et si cela peut se dire, il s’écouta pendant un instant savourer le bouquet du vin.
Manger est un besoin de l’estomac, boire est un besoin de l’âme.
Les vieux amis sont comme les vieux vins qui, en perdant de leur verdeur et de leur montant, gagnent en chaleur suave.