Sur la sellette : Éric de Sousa

Voir son Classement 2008 et le reportage

par Brigitte DUSSERT

“En 2002, nous avons apporté une nouveauté dans l’assemblage de ce grand cru, 50% de Pinot noir d’Aÿ et 50% de Chardonnay d’Avize. Un assemblage qui est dû à l’opportunité d’avoir pu acheter des vignes à Aÿ et de plus, la vendange 2002 en pinot noir était superbe, c’est ce qui nous a amené à prendre cette décision. Avec ces pinots noirs bien mûr, c’était l’occasion ou jamais, nous avions eu d’excellentes conditions climatiques en août et septembre, cela compte. A l’arrivée de la vendange au pressoir, dès que l’on a vu le jus couler, on s’est tout de suite dit que l’année se prêtait bien à faire un Champagne de ce style là.
Caudalies Millésimé 2002 est issu de vieilles vignes de plus de cinquante ans, vinifié 100% en fûts de chêne. D’une belle couleur or, l’assemblage de ces deux cépages, donne en bouche, de succulents arômes de framboise du Pinot noir et le Chardonnay, lui, apporte des notes d’ananas, abricot et citron, le mariage des deux est très réussi et a été accueilli avec enthousiasme par les importateurs. Il est vrai que c’est très lié aux caractéristiques de la vendange 2002, ce type d’assemblage ne sera pas obligatoirement reconduit chaque année, c’est en fonction des caractéristiques du millésime.
Nous avons à la vente, les vins de notre gamme traditionnelle avec, notamment, notre Cuvée Caudalies, un assemblage qui réunit 9 millésimes différents pour moitié, et pour l’autre, le millésime 2003. Les vieux vins apportent beaucoup de complexité et d’arômes alors que l’autre part est issue de la dernière vendange, ce qui donne beaucoup de fraîcheur. Sur les autres cuvées plus classiques l’élevage dure environ 2 ans 1/2 et sur les Caudalies c’est plutôt 48 à 60 mois. J’aime apporter en vinification une légère touche de bois neuf, mais les vins vieillissent aussi en foudre, je suis en recherche permanente d’amélioration de la qualité. On a eu la chance dernièrement de récupérer des vignes sur Mesnil sur Oger, nous sommes d’ailleurs en train de les incorporer dans les assemblages que nous réalisons actuellement au chai. J’ai la chance d’avoir des raisins sur une dizaine de communes différentes : Cramant, Avize, Chouilly, Le Mesnil sur Oger, c’est très intéressant pour la diversité des assemblages, chaque terroir apporte une spécificité. Cramant et Mesnil dans les grands crus de Chardonnay ont des sols qui donnent un style plus droit, rigide, Oger et Avize sont des sols qui apportent de la souplesse, de l’harmonie. Si on a une dizaine de terroirs différents, c’est beaucoup mieux pour la qualité finale des champagnes, c’est d’ailleurs comme cela que font les grandes maisons de champagne. On joue sur les assemblages, la complémentarité, tous ces terroirs différents donnent un panel plus diversifié et c’est un avantage. Je connais très bien tous les terroirs de la Côte des Blancs, sur la butte de Mesnil le terroir confère au vin une ossature intéressante, un côté viril qui demande deux à trois ans de vieillissement supplémentaires, le terroir d’Oger qui est dans une cuvette donne des vins beaucoup plus ronds, souples et à Avize le terroir confère aux vins une véritable harmonie, c’est lié à l’exposition, l’altitude et au sous-sol crayeux c’est surtout cette craie qui apporte la minéralité, je cherche à avoir des raisins très mûrs pour obtenir, de la richesse, de la matière, la longueur en bouche et puis la minéralité, de la fraîcheur grâce à nos sols très crayeux, c’est cette spécificité très particulière qui fait que le vin de Champagne est unique au monde par rapport aux autres vins effervescents de Bourgogne, Alsace, Chili ou Napa où on ne retrouve pas cette minéralité donnée par la craie champenoise tout à fait unique qui, associée au climat champenois, se retrouve dans le verre, puis en bouche et, là, on se rend bien compte que la Champagne est unique, on peut essayer de copier nos vins mais on n’arrive jamais à avoir cette finesse et ça, c’est absolument dû au terroir. La vinification consiste plutôt à ne pas dénaturer la matière première en ne faisant pas trop de filtration ou autre, car il faut avoir pour objectif de garder au maximum la matière première; c’est un peu comme un cuisinier, s’il fait trop cuire ou pas assez, même avec de bons produits, c’est perdu. Pour nous, c’est pareil : si on a de jolis raisins et que l’on fait trop de filtration, on va appauvrir la qualité du raisin, parfois il vaut même mieux ne pas filtrer du tout. Il faut avoir du talent et de l’humilité, ne pas vouloir en faire trop surtout dans les bons millésimes. La moitié de mes vignes ont plus de 50 ans d’âge et c’est un atout primordial.”