* Après le Médoc et Saint-Émilion, c’est au tour de Cahors…

Le dernier communiqué de presse de l’UIVC Cahors m’a bien amusé : Cahors s’enracine (si j’ose dire…) dans les cuvées spéciales et dans l’engrenage de vendre le cépage Malbec plutôt que son appellation. Le prétexte est connu et n’est pas nouveau : on vous assure que pour vendre au fin fond de la Chine, il vaut mieux mettre en avant le nom du cépage plutôt que les terroirs de l’appellation. C’est le leit-motiv de tous les nouveaux vignobles, de l’Argentine à l’Australie, et, en l’espèce, cela me semble naturel puisque ces pays ne risquent pas de mettre en avant un terroir puisqu’ils… n’en ont pas, du moins pas comme nous en avons.

Mais il en est tout autre quand il s’agit d’une appellation comme Cahors. En fait, les choses vont être simples si la région poursuit sa fuite en avant vers des vins aseptisés (mais bien faits, certes), comme on en trouve de plus en plus à Bordeaux. Dans cette optique, on ne pourra que vanter les mérites d’être « le meilleur Malbec du monde », etc… Par contre, il faudra nous confirmer que les sols et sous-sols de l’appellation n’ont pas grande importance et que l’on a vite oublié, sous prétexte d’être plus « lisible » par les Esquimaux ou les Japonais, qu’il y a des différences de territoires flagrantes. On passera alors par pertes et profits (le mot prend tout son sens) la puissance des sols de l’appellation, que l’on peut définir en trois zones :

– Les premières terrasses argilo-limoneuses, limono-sableuses et graveleuses, sont aptes à produire des vins légers et friands, à boire plutôt jeunes.
– Les deuxièmes terrasses et les coteaux de piémont, argilo-siliceux, argilo-calcaires, mêlés d’éboulis du causse, donnent des vins pleins, corpulents et de bonne garde.
– Les coteaux du rebord du causse et le plateau lui-même, calcaires et argilo-calcaires, sont susceptibles de produire des vins moins gras mais plus structurés, de belle garde.

Bref, plus on fait des cuvées spéciales qui « lissent » les vins, et moins l’influence des terroirs historiques et réels n’a plus de raison d’être.

On pourrait en sourire si ce n’était pas dramatique pour l’ensemble des vignerons de la région.

J’aime Cahors, ses vins, leur originalité. Souvenez-vous, je l’ai écrit il y a quelques semaines : « on peut tout autant regretter l’arrivée de cuvées surchargées par le bois et “fabriquées” pour avoir une bonne note auprès de “critiques”, ceci facilitant une hausse de prix totalement incautionnable. Gare donc aux vins de mode dans cette région où les cépages et les sols ont une véritable influence, une véritable présence historique. Ne vaut-il pas mieux montrer sa propre personnalité quand on en a comme c’est le cas à Cahors ou à Madiran ? ».

Eh bien, ce communiqué de presse en est la démonstration même. Le voici : « La 1ère édition de la Malbec International Competition (très classe le nom, ça fait sérieux…) s’est déroulée à Bourg le 27 novembre 2009. Organisateur : le CDV (Concours des Vins). 22 Cahors ont été médaillés, dont :

8 Médailles d’Or :
Domaine du Prince, cuvée Lou Prince 2004
Château Lagrézette, cuvée Le Pigeonnier 2005
Château du Cèdre, cuvée Le Cèdre 2005
Château du Cèdre, cuvée Le Cèdre 2007
Château du Cèdre, cuvée GC 2007
Domaine d’Homs, cuvée Les Chevalier 2007
Château Lamartine, cuvée Expression 2007
Château La Reyne, cuvée Prestige 2007

13 Médailles d’Argent :
Château Saint Sernin, cuvée Varua Maohi 2008
Château de Chambert, cuvée Orphée 2005
Château Lagrezette, cuvée Dame Honneur 2005
Château de Mercuès, cuvée Malbec 6666 2005
Château des Roches, cuvée Le Serment 2006
Domaine Le Bout du Lieu, cuvée Empyrée 2005
Château les Hauts d’Aglan, cuvée A 2006
Château Pineraie, cuvée Malbec 2007
Château Pineraie, 2007
Domaine les Roques de Cana, cuvée Sangui Christi 2007
Clos Triguedina, cuvée Probus 2007
Château Hautmonplaisir, cuvée Pur Plaisir 2007
Métairie Grande du Théron, cuvée Prestige 2007
Château la Caminade, cuvée La Commandery 2008

Par ces récompenses, l’appellation Cahors démontre :
– l’excellence de ses derniers millésimes (2005, 2007 et 2008, notamment)
– mais aussi son statut de grand malbec du monde. »

Tout est dit, même si le Directeur de l’UIVC (J. Arnaud, qui a l’air sympathique, au demeurant) va encore m’écrire que leur démarche est celle de promouvoir les terroirs…

1/. On ne se sert que de cuvées spéciales pour se mettre en avant. Vous remarquerez qu’il n’y a pratiquement QUE des cuvées (à concours ?) qui gagnent ce… concours. Si j’ai bien compris, d’ailleurs, ce Concours est tout spécialement dédié au « malbec », ce qui me semble une étrange manière marketing d’imposer sa démarche. Passons.

Mais, dans ce communiqué, on oublie surtout de vous dire que certaines de ces cuvées sont à des prix incautionnables et n’ont rien à voir avec le marché réel de l’appellation. Lagrézette Le Pigeonnier est à plus de 80 € la bouteille pour le 2002 !!!

Et que l’on ne vienne pas me dire que je ne connais pas : « ADP » et moi, c’est une longue histoire (depuis sa création des « must » de Cartier, il y a 30 ans) et je l’ai suivi depuis son installation à Cahors, avec des moments mémorables ici, lui conservant toute mon estime -et mon amitié- même si j’ai éliminé son vin de mon Guide depuis des années, objectivité oblige. Alain-Dominique Perrin (Groupe Richemont) est passionné et sait faire, pour vendre au mieux, de Cartier à Lagrézette, et ce n’est pas moi qui lui reprocherait cela : j’estime son talent. J’ai écrit avec lui « Les Seigneurs du Cahors », à l’époque. Cela ne m’empêche pas de ne plus encenser ses cuvées.

Idem pour le Château du Cèdre : 32,90 € le 2002 (le 2005 doit être encore plus cher). Ou Probus de Triguedina à 31,60 € le 2000Je rappelle que l’on trouve de grands vins typés et classiques de Cahors à moins de 10 €…

2/. Les responsables de l’appellation sont donc tout contents d’être « un grand Malbec du monde ». Pour les terroirs, passez votre chemin, y’a rien à voir, comme disait Coluche.

Désolant tout cela. Où sont les vrais beaux vins classiques de l’appellation : Coutale, Souleillou, Bovila… Où sont tous les autres, qui rament pour vendre leur vin à côté des « seigneurs » qui s’enhardissent de cuvées de plus en plus sophistiquées ?

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