* Attention à la dépersonnalisation de beaucoup de vins bordelais !

J’aime les vrais vins de Bordeaux, du plus grand au plus modeste, et les consommateurs comme les producteurs savent que je défends ce qui les intéresse, et les distingue : le rapport qualité-prix-typicité. Si l’on fait un grand Margaux ou un Pomerol racé à 40 ou 80 €, il les vaut bien. Idem pour une gamme plus abordable, en Graves, dans les Satellites, les Côtes ou en Bordeaux Supérieur, où les progrès sont exceptionnels. On se bat contre la mondialisation de la “malbouffe”, et pour le vin c’est encore plus fondamental et plus réel. Un vin français ou étranger qui n’est fait qu’à l’aide de vinification ultra-sophistiquée n’a aucun intérêt. Quel sens cela a-t-il de ne mettre en avant que le côté technique ? Ce n’est pas un gage de qualité, et encore moins celui de laisser s’exprimer la Nature que d’utiliser à tort et à travers des techniques à manier avec beaucoup de précaution.

Certes, les vins ont changé (pas tant que cela, en fait), se sont assouplis, se sont dépoussiérés de leurs mauvais goûts et sont beaucoup plus garants d’une véritable régularité qualitative. Pourtant, celle-ci ne doit pas être, comme se plaisent à le faire certains, l’occasion de dépersonnaliser les crus, de “lisser” les terroirs, sous prétexte de glaner des bonnes notes auprès de tel ou tel “critique” du moment. Un vin digne de ce nom, c’est simplement un vin qui procure du plaisir, un moment où l’esprit et le corps sont en osmose, la même que peut inciter un regard devant toute autre forme de beauté et de création, artistique, philosophique, humaine ou sportive.

Que penser en effet d’un Saint-Émilion “fardé” comme un acteur du carnaval de Venise à 80 € (voire bien plus), un “simple” Médoc à 25 €, un “bon” machin à 30 € ou un Bordeaux Supérieur ultra-barriqué à 15 € ?

Quel intérêt de boire un (grand ?) vin de Bordeaux qui aurait le même goût qu’un vin du Languedoc, de Chine ou d’Australie.? Le vin, ce n’est pas cela, ce n’est pas un jus de bois mais un jus de raisin. Il faut qu’il garde son fruit et de la finesse. Quand on a la chance de pouvoir sortir de son sol un Sancerre “minéral”, un Châteauneuf-du-Pape épicé, un Pomerol qui sent la truffe, un Chambertin marqué par la griotte, un Sauternes issu du Botrytis, un Champagne où la craie apporte cette élégance… on n’a pas besoin de tricher. On a besoin ensuite de le faire savoir, d’expliquer pourquoi tel terroir donne à son raisin, puis au vin, ce goût de poivre ou de cannelle, tel autre celui du chèvrefeuille ou du cassis.

À force de prendre les consommateurs pour des gogos, certains vont s’en mordre les doigts… A cause d’un certain négoce, qui arrive à saturation, à peu de solidarité (certains allant acheter des vins en Languedoc ou en Bergerac, depuis plusieurs années…), la crise désastreuse qui touche certains viticulteurs, la plupart étant dépendants des prix trop bas du tonneau, qui ont du mal à se faire rémunérer correctement. Les causes sont complexes (un certain négoce peu solidaire, une politique de plantation trop importante, des barrières étatiques…). Ils méritent d’être soutenus, et l’on fera ce que nous pouvons pour les aider. Certains responsables « professionnels » bordelais ont d’ailleurs de la chance de ne pas habiter à Narbonne : cela fait longtemps qu’il auraient goûté à des manifestations de vignerons beaucoup plus agressives… On ne le souhaite pas, mais il faut quand même que les « petits » producteurs de la région soient soutenus comme ils le méritent (après tout, ils paient leurs cotisations…). Ce n’est pas mon problème, à eux de s’entendre, mais c’est quand même malheureux de trouver un Bordeaux à moins de 2 € (moins cher que le prix « vivable » pour un viticulteur) dans une grande surface… Et je ne parle même pas de « l’image » !

Classement Médoc
Classement Saint Emilion
Classement Saint Emilion Satellites
Classement Pomerol
Classement Graves
Classement Sauternes
Classement Côtes-de-Bordeaux
Classement Bordeaux Supérieur
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En parallèle, et c’est le paradoxe, beaucoup de vins sont trop chers à Bordeaux, ou trop sensibles à la mode, trop endormis sur leurs lauriers, trop imbus d’eux-mêmes, alors que le respect des consommateurs (proposer un vrai rapport qualité-prix cohérent) est impératif. Les acheteurs se sont sentis lésés. On parle beaucoup trop d’argent, de prix, de bonnes notes glanées chez un “gourou” quelconque, et c’est ce que le consommateur retient, alors que, bien sûr, ceci ne concerne qu’une petite minorité. Eh oui, un bon nombre de vins ont perdu leur spécificité. J’en ai éliminé des dizaines, année après année, et j’ai eu raison (c’est vrai dans le Médoc comme à Saint-Emilion). Bien sûr, il y a une poignée de vins fabuleux et mythiques (et il en faut), avec lesquels on entre dans le monde du luxe, mais, eux, ont aussi su rester racés, exporimant leur terroir à l’extrème (Haut-Brion, Latour, Lafite, Petrus…), mais, en fait, ils sont beaucouop moins nombreux qu’on ne le pense.

Tout cela commence à créer un sérieux malaise à Bordeaux, tant il y a de différence entre 2 vins d’une même appellation. Pourquoi payer une bouteille à 50 ou 200 € quand on peut trouver du plaisir dans une bouteille 4 à 10 fois moins chère (même si, et je le sais, que les vins ne sont pas “comparables”) ? Je n’ai jamais soutenu ces vins “parvenus” qui se moquent bien du marché français (et de ses consommateurs). Je ne suis pas non plus intéressé par les vins “confiturés”, sans âme ni vertu, qui font tort à la grande spécificité bordelaise. Pour faire ces “vins”, on récolte des raisins surmaturés, on concentre à outrance (avec des concentrateurs) lors des vinifications, on met le tout dans des barriques où le bois peut, sur demande auprès des tonneliers, vous donner le goût que vous recherchez (de la vanille, du sirop, de la confiture…), on mêle à cela des tas de levures, et on vous sert un vin à la limite de l’écœurement, noir comme de l’encre, gras comme de l’huile et parfumé comme votre bureau en bois.

Est-ce cela, la grande tradition bordelaise ?

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