* Les Chinois crachent par terre, d’autres dans la soupe

Sous-titre : On en rit ou on en pleure ?

« Il ne faut pas mettre du vinaigre dans ses écrits, il faut y mettre du sel. »
Montesquieu

Je n’aime pas commenter un article ou l’opinion d’un autre sur le vin. Je m’en moque, étant loin de ce microcosme parisien, connaissant les jalousies comme la puissance de l’amertume et des rancœurs, ce n’est pas mon rôle et cela me fait perdre mon temps.

Pourtant -depuis trente ans- il y a des vins que j’aime, d’autres non, des producteurs que je respecte, d’autres qui me navrent. On ne peut pas me reprocher de ne pas critiquer quand il le faut un bon nombre de Bordelais. Mais je ne me complais pas à remettre en cause une appellation ou une région toute entière, en faisant des généralisations, ce qui serait totalement absurde et non-professionnel. Et il n’y a rien de « personnel », c’est le vin (ou la façon de le faire) que je critique dans mes écrits, pas les hommes.

Mais, parce que nous avons enquêté des mois dans le vignoble, je connais le sujet en question : la qualité du 2007.

Ce qui est donc “risible”, c’est un article paru dans un journal de vin (français, un comble), sous la forme d’un entretien entre un producteur d’une autre région et le rédacteur en chef, himself, c’est-à-dire que l’interview, au titre accrocheur en Couverture, est bien cautionné par le journal (ce n’est pas un pigiste ou une petite main qui l’a fait) même si la forme n’est pas bête puisque les responsables de la revue pourront toujours dire “ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est l’autre”. Ils n’en auront pas besoin, je crois que les Bordelais ont compris.

Que clame donc ce propriétaire (à qui je conserve toujours mon amitié, au demeurant, même si ce n’est peut-être plus réciproque) dans cette tribune qui lui est toute offerte : que le millésime 2007 est minable à Bordeaux. “Ce millésime est franchement mauvais, dit-il”. Sur quoi se base-t-il ? Ah oui : “que les Bordelais peuvent raconter ce qu’ils veulent sur 2007, je les attends… je suis allé voir les vendanges, je le sais”. Il sait quoi, il a vu quoi, où ?

Sympa pour les Bordelais qui ont très bien réussi leur 2007, et il y en a pourtant pas mal (et pas mal qui ne l’ont pas réussi, c’est tout aussi normal). Le millésime 2007 (c’est d’ailleurs vrai dans toute la France), c’est un vrai millésime de vigneron, un millésime où la puissance des terroirs a joué à plein, ce sera un vin soyeux mais avec les tanins qu’il faut, élégant, un vrai vin de plaisir (je vous passe une photo de raisins rouges 2007, comme aimerait sûrement en voir chez eux quelques détracteurs).

Moi, je vis à Bordeaux. Pour MILLÉSIMES, qui sort dans 1 mois, cela fait 5 mois -à plein temps- que l’on a suivi ce millésime, marché dans les vignes, goûté les raisins, pris des photos de vendanges, dégusté, parlé, écouté, rencontré les hommes, redégustéOn n’est pas idiots, il n’était pas question de dire n’importe quoi, dans un sens comme dans l’autre, on s’en doute que tout ne sera pas bon en 2007 (confer mon article du 31 Janvier). On ne peut que se prononcer maintenant, et, vu le travail que nous avons fait dans le vignoble bordelais, je doute que l’on puisse être mieux renseigné. Tout ce travail, c’était un minimum cette année, si l’on veut être crédible auprès des consommateurs et des professionnels.

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Si chacun est libre en effet de dire et de publier ce qu’il veut, on peut se demander :

Quelle est la raison de faire ce procès d’intention aux producteurs bordelais ?

– Pourquoi faire croire aux consommateurs que le 2007 est mauvais à Bordeaux, alors qu’on n’a rien dégusté, que l’on n’en sait strictement rien ?


Ce qui transpire dans ces lignes
, c’est aussi la remise en cause de “pointures” (on en a interviewé un bon nombre, nous, justement, sur leur 2007) qui font des vins de renommée mondiale comme Delmas à Montrose, Cathiard à Smith, Berrouet à Petrus, Bernard à Chevalier, Garat à Beauregard, Delbeck à Belair, les autres de Léoville-Barton, Calon-Ségur, Malartic, Filhot, Lamarzelle, Carbonnieux, Haut-Brion, Certan de May, Desmirail, La Couspaude, Cadet-Piola… et autres Moueix, Borie, Vonderheyden, Capdemourlin, Lurton, Sainson, Quié, Janoueix, Pagès, Mau, Estager, Castéja, Pauquet, Boissenotqui auraient tous loupé leur 2007 !!! Ce seraient donc, soit des menteurs, soit des incapables.

Et puis, il n’y a pas que que les propriétaires de grands vins. Il y a les autres, plus modestes, auquels de tels articles font mal au cœur (et mal à la bourse), alors qu’ils se sont battus pour faire de bons vins, dont le coût à l’hectare a été beaucoup plus élevé cette année. J’en ai une bonne centaine à vous citer, en Côtes comme en Graves, en Médoc comme à Montagne, à Saint-Émilion comme en Bx Sup, qui vont faire un excellent 2007 (parfois même, beaucoup plus), que cela plaise ou non.

Une info : on n’est plus dans les années 1980. Bien plus qu’ailleurs (dans les régions « neuves », notamment, où on se contente de faire des vins de confitures), on sait faire le vin comme jamais à Bordeaux et, dans ces millésimes délicats, la puissance des terroirs joue son rôle à plein et va faire la différence entre 2 Médoc, 2 Saint-Émilion, etc (c’est tout aussi vrai en Bourgogne ou en Champagne). On sait maîtriser les rendements, accompagner les soubresauts de la nature, soigner ses vignes. Les conditions à Bordeaux pour avoir fait un très bon 2007 sont bien meilleurs que celles des 1997 ou 1999 (au demeurant réussis).

Bref, pour les vignerons dignes de ce nom (il y en a d’autres, hélas, qui sont aussi passionnants qu’une boîte de petits pois), c’est beau l’objectivité et la confraternité : on juge sans savoir, sans avoir rien goûté, pas enquêté, pas suivi l’évolution des raisins, ni les vendanges, ni les sélections, pas vu les efforts des hommes, les éclaircissages, ni les tris, rien compris à l’influence des terroirs cette année, celle du calcaire ou des graves en sous-sol, rien vu de le réactivité du Cabernet-Sauvignon, pas saisi la resurgence de l’acidité, pas assimilé ce long cycle végétatif, ni les vinifications… C’est ridicule, mesquin, navrant, réducteur et contraire à la vérité.


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