Quelle révolution, celle du nivellement par le bas ?

 

Un article laisse perplexe? Extrait : « Peut-être pourrait-on aussi, qui sait, modifier les densités des plantations, raisonnablement augmenter les rendements à l’hectare ? » Voir : Révolution dans les appellations (Article paru dans l’édition du Monde du 09.09.07) : Les AOC ne seront plus décernées par les vignerons

 

 

« LES VENDANGES qui viennent de commencer dans le vignoble français sont les dernières à se faire dans le cadre actuel des quatre cents appellations d’origine contrôlée. Pour le millésime 2008, une nouvelle organisation sera entrée en vigueur. Voilà bien une petite – mais véritable – révolution pour plus de la moitié des vins produits en France. C’est aussi une manière de répondre à la solide concurrence des vins du Nouveau Monde, qui doivent beaucoup de leur succès planétaire au fait d’avoir, faute de références historiques et culturelles, privilégié une politique de marque et la signature omniprésente du cépage, chardonnay, syrah, merlot et autres cabernets.Pour les vignerons français, l’un des aspects les plus marquants de la réforme en cours consistera à ne plus régner en maîtres absolus sur la définition de leur production. Jusqu’ici, en effet, ce sont eux qui, dans les régions d’appellation d’origine contrôlée (AOC), décidaient collectivement des vins. La chose se faisait lors de séances de dégustation où l’on n’accordait la précieuse dénomination que si les qualités organoleptiques des vins goûtés correspondaient bien à l’idée que l’on se faisait, localement, de la silhouette de l’appellation. Ainsi, un candidat à l’appellation Bourgueil s’éloignant par trop de la conception que l’on a, sur cette rive droite de la Loire, de l’expression que doit avoir le cabernet franc était-il déclassé et promis à un avenir commercial des plus incertains.

Un tel système d’autocertification avait sans doute l’avantage de maintenir les traditions qui, dans le monde viticole, sont plus respectées que dans l’univers paysan. Dans le même temps, ce système interdisait toute forme d’évolution et d’adaptation au marché. On observait aussi, depuis plus d’une décennie, le développement d’une étonnante forme de jacquerie : des vignerons préféraient ne pas réclamer une appellation à laquelle ils pouvaient prétendre et commercialiser sous l’infamante dénomination de « vin de pays ». La qualité intrinsèque de leur production et un phénomène de mode ont fait que certains d’entre eux sont aujourd’hui devenu de véritables célébrités, notamment dans le milieu des « bourgeois-bohèmes » qui se piquent de vin.

C’en sera donc bientôt fini d’un système à bien des égards performant, mais dont on semble seulement aujourd’hui prendre conscience qu’il peut, ici ou là, engendrer de sérieux conflits d’intérêts. Non seulement les appellations d’origine contrôlée ne seront plus décernées par les vignerons, mais elles ne le seront plus non plus sur la seule dégustation des vins. « La loi d’orientation agricole du 6 janvier 2006 prévoit la refonte de notre organisation via la création d’organismes de défense et de gestion des AOC dont les membres seront élus par tous ceux qui déclarent des récoltes », explique Yves Bénard, président du comité national vins et eaux-de-vie de l’Institut national de l’origine et de la qualité. L’objectif est ici de dissocier l’action des syndicats viticoles de la gestion et de la valorisation des AOC.

L’autre volet de la réforme est la création d’un organisme indépendant d’inspection et certificateur chargé de contrôler les appellations. Outre les dégustations, une série de critères seront retenus concernant la tenue de l’exploitation viticole et celle des chais. Les contrôles seront menés sur sondage et, progressivement, engloberont tous les producteurs. Un vigneron déchu pourra toujours faire appel.

Révolutions ? D’autres pourraient bientôt pendre forme dans le cadre des futures réglementations européennes. Elles permettraient aux producteurs de certaines AOC dites « régionales », celles qui constituent les bases des pyramides existantes, de s’affranchir un peu de dispositions jadis libératrices qu’elles vivent désormais comme un insupportable carcan. Un vigneron produisant un vin de Bourgogne pourrait ainsi évoquer sur ses étiquettes – pour l’heure en très petits caractères – le fait que son vin est issu soit de pinot noir, soit de chardonnay. Peut-être pourrait-on aussi, qui sait, modifier les densités des plantations, raisonnablement augmenter les rendements à l’hectare ? C’est ainsi qu’une bonne part de l’avenir économique de la viticulture française s’écrit, aujourd’hui, sous nos yeux. » Jean-Yves Nau

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