Un vin, un vrai

Ce qui différencie un vrai vin (le prix n’entre pas en compte alors) d’un simple produit aseptisé, rouge ou blanc, c’est donc ce qu’il nous apporte : le plaisir. Et l’on ne se fait pas plaisir quand on débouche certains vins “modernes” ou à la mode. L’abus de la barrique neuve en est un exemple type. Rares sont les vrais grands vins qui dépassent 50 à 70 % de barriques neuves, et, eux, ont un terroir qui permet de sortir des vins qui “tiennent” autant de pourcentage de fûts neufs. Il est aisé de comprendre qu’un élevage à 100 % en barriques neuves ne peut que produire des vins trop boisés, imbuvables, certains à la limite de l’écœurement à cause, en plus, d’une concentration à outrance.

Quel intérêt de boire un vin de Bordeaux qui aurait le même goût qu’un vin du Languedoc, de Chine ou d’Australie. Le vin, ce n’est pas cela, ce n’est pas un jus de bois mais un jus de raisin. Il faut qu’il garde son fruit et de la finesse. Quand on a la chance de pouvoir sortir de son sol un Sancerre “minéral”, un Châteauneuf-du-Pape épicé, un Pomerol qui sent la truffe, un Chambertin marqué par la griotte, un Sauternes issu du Botrytis, un Champagne où la craie apporte cette élégance… on n’a pas besoin de tricher. On a besoin ensuite de le faire savoir, d’expliquer pourquoi tel terroir donne à son raisin, puis au vin, ce goût de poivre ou de cannelle, tel autre celui du chèvrefeuille ou du cassis.
Le vin, c’est comme la vie : un peu de poésie, l’empreinte d’une origine, quelques notes de souvenirs, un zeste de sensualité, de la mesure et du respect. Il faut aussi être sensible à tous les vins, aller sur place, dans toute la France, et ne pas se contenter de dégustations mondaines, qui masquent la réalité du terrain.
En 28 ans, j’ai donc eu droit à tout : à la morgue de certains, à la frime de nouveaux venus, aux leçons de morale comme aux jalousies. Mais, je n’ai pas dévié d’un pouce, et respecté cette ligne de conduite (elle est naturelle, je n’ai pas à me forcer). On la poursuit donc, en restant fidèle à ceux, les amateurs comme les vignerons, qui sont humbles face à la force de la Nature.

Dans toute la France, il y a de grands vins typés, dans toute la gamme, et sans que l’on soit forcément obligé de payer le prix fort pour avoir le meilleur. Le monde du vin est donc aussi celui du rêve et du plaisir, du partage et des rencontres avec des hommes et des femmes attachants et passionnés. Ce sont ceux-là, les vrais, qui comptent et nous apportent cette pluralité qualitative exceptionnelle, à tous les prix, que toute la planète a bien raison de nous envier. Ces vignerons, on aime bien partager un moment avec eux. Ce qui compte, c’est la durée, le respect et la fidélité. Le temps, la continuité, la régularité qualitative sont les seuls critères de jugement auxquels on peut se fier. Il ne reste donc pas de place pour l’arro­gance ou l’envie, ni pour les vins standardisés.

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