Lutter contre la mondialisation du goût

L’autorisation des copeaux de bois dans le vin (suite) ou comment perdre son identité…

Je suis le premier à soutenir les vignerons, à ne pas accepter l’arrogance de quelques propriétaires face à la crise sociale que connaît (comme d’autres secteurs) le monde du vin en France. Chacun doit être rémunéré et la solidarité doit primer. Il faut, par exemple, que le négoce aide et promotionne sa région avant d’aller voir ailleurs.

Il est bien évident qu’un vigneron qui reçoit 700 ou 800 euros pour son tonneau de vin n’est pas assez rémunéré. Pour l’aider, de nombreuses mesures sont à prendre, mais il faut sortir par le haut et non pas niveler par le bas. Franchement, en quoi le fait d’ajouter des copeaux de bois dans le vin peut-il aider un vin à mieux se vendre ?

Les aides, c’est bien, c’est nécessaire quand on en a besoin. Mais tout cela ne veut pas dire pour autant q’il faut standardiser nos vins, bien au contraire.

A quoi bon surconcentrer les vins, ajouter des levures aromatiques à outrance, un élevage 100% (voire 200%) en barriques neuves quand l’élevage ne doit être qu’un apport, ajouter des copeaux de bois, pratiquer démesurément l’osmose inverse, le micro-bullage ou la micro-oxygénisation, filtrer de plus en plus… Tout cela dépersonnalise les vins et les “aseptise”. On fabrique donc (quel autre mot pourrait-on employer ? ) ici ou là des vins maquillés, produits comme un drink, un cocktail ou un Brandy. Certains choisissent de faire un vin qui plaît à tout le monde, qui a un goût uniforme, où on se contente de mettre particulièrement le cépage en avant, et c’est bien la preuve que l’on veut escamoter le terroir, ou tout simplement que l’on n’en a pas !

Ce qui différencie un vrai vin (le prix n’entre pas en compte alors) d’un simple produit aseptisé, rouge ou blanc, c’est donc ce qu’il nous apporte : le plaisir. Et l’on ne se fait pas plaisir quand on débouche certains vins “modernes” ou à la mode.

Quel intérêt de boire un vin de Bordeaux qui aurait le même goût qu’un vin du Languedoc, de Chine ou d’Australie. Le vin, ce n’est pas cela, ce n’est pas un jus de bois mais un jus de raisin. Il faut qu’il garde son fruit et de la finesse. Quand on a la chance de pouvoir sortir de son sol un Sancerre “minéral”, un Châteauneuf-du-Pape épicé, un Pomerol qui sent la truffe, un Chambertin marqué par la griotte, un Sauternes issu du Botrytis, un Champagne où la craie apporte cette élégance… on n’a pas besoin de tricher. On a besoin ensuite de le faire savoir, d’expliquer pourquoi tel terroir donne à son raisin, puis au vin,ce goût de poivre ou de cannelle, tel autre celui du chèvrefeuille ou du cassis.

Que fait-on des efforts et de la volonté qualitative des vignerons qui élèvent leurs vins avec sérieux. Cela leur coûte cher et on leur dirait que cela ne sert à rien d’acheter des barriques puisqu’il suffit de faire mariner leur vin dans des copeaux de bois…

Faut-il rappeler que le vin n’est pas fait pour sentir le bois (encore moins artificiellement) et que l’élevage normal en barriques (neuves ou non) n’est qu’un apport au cours duquel des échanges se font entre le vin et la barrique. Pas du tout pareil qu’une marinade.

Pour ma part, cela me conforte : il faut encore plus lutter contre cette aseptisation du goût, voire des mentalités. C’est la diversité qui prime, c’est la typicité qui nous différencie, et, si l’on nous copie, c’est bien parceque nous sommes les meilleurs et que nous apportons une plus-value essentielle, cette spécificité qui émane de la passion de nos vignerons et de la force des sols.

Que ceux (un bon nombre de « winemakers », notamment étrangers) qui font du vin comme du soda continuent, c’est leur droit, et on s’en moque : pour nous, du plus modeste au plus grand, le vin n’est pas une boisson comme une autre, c’est aussi un art de vivre. La chance que nous avons, en France, c’est que l’on n’a pas besoin de payer cher pour avoir un vin typé. Dans toutes les régions, à 5 comme à 30 euros, on a le choix. C’est cela qu’il faut vendre, promouvoir, aider…

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