Le terroir joue -aussi- à plein en Champagne

La Champagne est le vignoble qui a le plus “explosé” avec la prolifération de propriétaires qui se sont décidés à mettre en bouteilles leur propre production, et je leur donne bien raison.

Auparavant, ils vendaient aux négociants et il n’y avait que 20 à 30 grandes marques de Champagne. C’est plus rémunérateur pour eux et plus valorisant de mettre leur nom sur l’étiquette, plus motivant pour leurs enfants de se battre pour défendre et promouvoir leur entreprise. C’est à mon avis ce qui a sauvé la Champagne et la Bourgogne, cette jeunesse motivée, dynamique, entreprenante, diplômée, qui s’est investie dans le vignoble familial.

Tout comme les Alsaciens et les Bourguignons, les Champenois sont des commerçants avertis, ils vont chercher le consommateur, l’importateur, ne se contentant pas de donner leur production à un négociant et de partir en week-end !

C’est la clé de leur époustouflante réussite. On boit plus de Champagne parce que la qualité est devenue remarquable et abordable, voilà tout !

Beaucoup d’efforts ont été réalisés, les prix sont restés très sages et le consommateur, tout naturellement, a suivi. On trouve d’excellentes bouteilles entre 12 et 15 €. Il ne faut pas les comparer bien sûrs aux très grandes Cuvées faites avec des vins de réserve exceptionnels et qui valent de fait leur prix (50 € et plus), comparons ce qui est comparable.

En tout cas, c’est ce qui a décidé les consommateurs à en acheter plus, et plus souvent. Ce n’est pas uniquement le mode de consommation qui a évolué, les consommateurs ont réalisé qu’ils se font plus plaisir avec un bon Champagne qu’avec un mauvais Porto ou un Whisky fait on ne sait où ?

Mais, si la force des champenois est d’avoir ainsi maîtrisé leurs prix, c’est sans doute la région au monde où cet effort est le plus visible. Et puis, les Champenois sont remarquablement organisés, solidaires.

C’est pourtant un vignoble qui est en train de s’étendre beaucoup : il va donc falloir scinder les différents types de cuvées que l’on va retrouver sur le marché prochainement. 

Il faudra différencier encore plus les terroirs, comme on le fait pour les vins.


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L’extension quantitative du vignoble peut, paradoxalement, permettre une véritable nouvelle perception du Champagne, qui devient un vin de terroir, et non plus uniquement d’assemblage. Il va falloir considérer le Champagne comme un vin à part entière, c’est ce que je fais depuis toujours, mais ce discours n’est pas toujours bien compris de tous.

Il faudra observer le nom du village, parcelle par parcelle, la volonté du vigneron de rechercher l’expression de la minéralité de son sol. Les terroirs exceptionnels (Grand Cru et Premier Cru) vont prouver que le Champagne est un grand vin. Je me bats depuis longtemps pour le faire accepter.

Il faut considérer le Champagne comme un vin à part entière : les très grandes cuvées de prestige (celles que l’on retrouve dans le Classement dans la catégorie des Premiers Grands Vins Classés, puis dans une bonne partie des Deuxièmes Grands Vins Classés) sont des cuvées de Champagne que l’on boit comme un grand vin, en les associant à des moments du repas, sur des plats appropriés. On a la chance d’accéder ainsi aussi bien au summum de la finesse qu’à celui de la complexité et de la vinosité. Bien que l’on en parle moins (à tort), le terroir, les sols ont toute leur importance en Champagne, apportant une spécificité réelle et différente selon que l’on se trouve à Cramant ou à Épernay, à Ay ou à Bouzy, dans l’Aube ou la Marne. À cela s’ajoute la proportion des cépages, et chaque maison, cave ou vigneron, possède alors les facultés de créer véritablement une cuvée légère ou puissante. Et puis, ce qu’il ne faut pas occulter pour comprendre la différence entre une grande cuvée et une autre, ce sont, outre l’art fondamental de l’assemblage que signe la main de l’homme, les incontournables vins de réserve, que l’on ajoute à des vins plus jeunes. On ne fait un grand vin que si l’on a du stock, l’exception confirmant la règle.

Il y a donc des vins racés, marqués par leurs sols, situées en Grands Crus ou en Premiers Crus, d’Avize à Bouzy, de Damery à Chigny-les-Roses, etc. Aux côtés de maisons incontournables (Roederer, PolRoger, PiperHeidsieck, Philipponnat, Charles Heidsieck, Gosset…), quelques autres atteignent les sommets, notamment pour récompenser un savoir-faire et/ou un rapport qualité-prix indéniable (Thiénot, De Telmont, Ellner, De Sousa, Veuve A. Devaux …)

D’autres suivent de près. Quand je déguste leurs cuvées, notamment “à l’aveugle”, j’hésite à chaque fois de faire passer un bon nombre de ces propriétaires au sommet (ils ont un *), notamment ceux qui sont dans le peloton de tête de cette hiérarchie, élevant des cuvées les unes plus séduisantes que les autres, garantes d’une typicité et d’une régularité qualitative exemplaires à des prix remarquables (Paul Bara, Gonet-Sulcova, Charles Mignon, Delaunois, De Lozey, Lombard, Rutat..), un bon nombre exploitant des terroirs situés en Grands (et Premiers) Crus, ceci prouvant que, ici comme ailleurs, la force du terroir est primordiale, avec l’art de l’assemblage, les stocks et l’élevage.

À leurs côtés, très proches qualitativement (voire meilleurs selon les cuvées), ceux qui bénéficient également de rapports qualité-prix-typicité exceptionnels, et peuvent prétendre aux plus hautes places (Pierre Arnould, Michel Arnould, Mandois, Ralle, Drappier, Gimonnet, Pierre Mignon, Leclerc-Briant, Jacques Busin, Legras et Haas, Bourdaire-Gallois, Guy Cadel, Laurent-Gabriel, Fleury, Michel Lenique, Perseval-Farge, Maurice Vesselle, Bardoux, Pierre Paillard, Pierre Gobillard, Prévoteau-Perrier, Vollereaux, Vautrain-Paulet, Jean-Marc Charpentier…).

Quelques coopératives travaillent remarquablement (Vincent d’Astrée, De Castelnau, Beaumont des Crayères, Clérambault, Albert de Milly…) et peuvent être fières de signer de telles cuvées. Elles font frissonner, à juste raison, des marques beaucoup plus connues qui ne sont qu’une façade sur l’étiquette ou des vignerons imbus d’eux-mêmes, multipliant des cuvées sophistiquées navrantes…

Voir le Classement 2009