A Bordeaux, les prix de certains “grands crus” du Médoc, et pire, de Saint-Émilion, ne sont pas/plus des gages qualitatifs. Pourtant là, c’est l’inverse de la Champagne : on gomme le terroir !
Nous le répétons depuis des décennies : le Classement “officiel” de Saint-Émilion est une bonne blague. Il fallait attendre la décision d’Ausone (qui refuse dorénavant d’entrer dans ce jeu) pour que beaucoup subitement commencent à se poser des questions.
Qui ne connaît pas les terroirs ne peut pas comprendre : Ausone, historique et vrai Premier GCC A, perché sur son monticule a été “rejoint” par d’autres vins (sont pas dans le Guide, ne les cherchez pas), comme Cheval Blanc (Premier GCC A), par une dizaine d’autres. Pas facile pour ces deux-là de voir apparaître (un vrai tour de magie) des tas de vins classés à leur niveau. Fallait oser !
La pilule pour faire passer cela : le terroir n’aurait plus beaucoup d’importance mais l’argent et les relations publiques (le prix des bouteilles comme celui des chais) et les bonnes grâces de certains, seraient devenus les critères ! Et puis, où est l’élégance ? Il y tant de vins de l’appellation qui se prennent pour un Côte-Rôtie (le terroir en moins), à force de concentration, d’élevage surdimensionné en fûts neufs… Où est la fraîcheur ?
Ausone comme Cheval Blanc ont donc raison de se retirer des “extravagances” du Classement “officiel”, ce qui vient le décridibiliser complètement, et définitivement. Ces deux crus de terroir sont tout naturellement classés “Hors Classe” dans notre Classement, et ils le méritent.
Vous allez donc trouver des vins dans cette appellation dont les prix frisent l’insolence : 90 €, 120 € et beaucoup plus… quand d’autres, à qualité semblable, voire supérieurs grâce à un vrai terroir (Croque-Michotte, Fonroque, Corbin-Michotte, Laniote, Tour du Pin Figeac…) se situent entre 20 et 45 €, et vous vous doutez déjà lesquels vous trouverez dans ce Guide.
Ces “satellites” de Saint-Émilion, les Montagne, Puisseguin, Lussac et Saint-Georges, marqués le plus souvent par des sols de calcaire à astéries (le top) ou de molasses du Fronsadais, où l’on est régulièrement sous le charme de ces vins remarquables, dominé par le Merlot et une fraîcheur en bouche certaine, de grande évolution également, dont la plupart sont au même niveau qualitatif, voire bien meilleurs que des Saint-Emilion Grands Crus Classés (toujours selon ce “classement” officiel), mais à des prix divisés par 4, 5 ou 10… Quelques-uns des plus beaux rapports qualité-prix-plaisir du bordelais se trouvent ici : Saint-Georges (qui “écrase” un bon nombre de ces fameux crus classés de Saint-Émilion), mais aussi Macquin, Haut Saint Clair, Grenière, bref, ceux que vous trouverez à la tête du Classement.
Dans le Médoc, le Classement évolue aussi totalement et présente désormais les vins par appellations.
Comment ne pas s’enthousiasmer pour des vins de Margaux ou Saint-Estèphe que l’on savoure entre 30 et 40 €, quand on tombe dans les même appellations sur des bouteilles à 60, 80 ou 200 €…
Un exemple pour comprendre notre Classement, à millésime comparable : en Saint-Estèphe, Haut-Marbuzet 2016 vaut moins de 50 €, au même prix que le second vin de Montrose (la Dame de Montrose), quand Montrose 2016 est affiché, lui, à 250 €.
Comprenons-nous bien : Montrose est un très grand vin mais vaut-il 5 fois plus que le cru d’Henri Duboscq, régulièrement savoureux et pour lequel nous connaissons une régularité qualitative sur plusieurs décennies ? C’est la raison pour laquelle Haut-Marbuzet est avant Montrose en ce qui concerne le rapport qualité-prix-typicité.
On comprend aussi la place de Cos-Labory, même prix (toujours pour le 2016) que Haut-Marbuzet, ce qui en fait également un bien grand vin à prix doux. C’est simple, non ?
Dans la lignée, des vins comme Côme (25 € seulement pour le 2015), La Bridane, La Galiane, Mayne-Lalande, Plantier Rose et une belle sélection en Haut-Médoc et Médoc, très abordables.
Comment expliquer également que Grand-Puy Lacoste, l’un des Pauillac les plus racés qui soient, s’achète seulement entre 80 à 90 €, là ou tant d’autres crus du coin, se permettent de s’afficher au même prix (quelques-uns à Saint-Julien ou à Pauillac peuvent faire sourire). Lascombes est également un très grand vin, classique et typé, comme Batailley, et les deux méritent leur prix.
Car la mode Parker (il ne reste que sa marque, gare à ne pas vous faire avoir en croyant que ce sont ses propres sélections), c’est fini ! Comme les renommées d’antan.
On ne veut plus de certains crus “lissés” par des vinifications sophistiquées, des matraquages en barriques neuves (ou en copeaux de bois). On se demande toujours pendant combien de temps des ”crus classés” officiels (Classement de 1855, totalement obsolète quand on sait que les territoires, les hommes et les techniques ont évolué depuis plus de 150 ans) peuvent se présenter à des tarifs prohibitifs. Hélas, on trouve toujours des consommateurs, souvent peu informés, se contenter de boire une étiquette, comme en Champagne.
Les terroirs signent donc les vins : graves garonnaises à Saint-Julien, quartz et cailloux roulés à Saint-Estèphe, croupes de graves maigres à Pauillac, graviers et cailloux à Margaux, formation caillouteuse mêlée de sable et d’argile en Médoc… Il manque aussi des figures légendaires dans la région, qui n’ont pas été remplacées. Le Médoc, que cela plaise ou non, à une image dégradée en France de certains grands crus, tant les consommateurs ne s’expliquent pas leur prix et ont tendance à rechercher dans d’autres régions des vins avec plus de personnalité. Latour est évidemment classé Hors-Classe, étant toujours l’un des plus grands vins du monde, et se payant même le luxe que son second vin, Les Forts de Latour, soit régulièrement meilleurs que beaucoup de crus “classés”.
A Pomerol comme à Lalande-de-Pomerol, là encore de nombreux vins atteignent cette année la hiérarchie des Premiers Grands Vins, notamment dans l’appellation Lalande-de-Pomerol. On trouve les vins les plus chaleureux de la région bordelaise (Certan de May au sommet, et ceux de Janoueix, Plince, Mazeyres, Clos du Pélerin (23 € seulement pour le 2016), Bellegrave…), où les senteurs de truffe se mêlent à la mûre, à la cannelle, à la cerise ou à la réglisse, la chair s’associant à une texture dense, ample, veloutée, le tout donnant des vins que les propriétaires élèvent à leur image. Petrus est classé Hors-Classe, bien sûr, tant pour son prix que pour une qualité qui défie le palais.
Dans les Graves, la majeure partie des vins en tête de notre Classement, bénéficient aussi d’un formidable rapport qualité-prix. Bien sûr, les territoires signent des vins de qualité et de style différents à Portets, Castres, Beautiran, Podensac ou Landiras, et c’est tant mieux ! Des crus comme Grand Bos sont largement au niveau des Pessac-Léognan, d’autres comme d’Arricaud, Le Tuquet ou Mauves suivent.
En Pessac-Léognan, où les sols sont très diversifiés, on peut élever, à la fois, de grands vins rouges et blancs secs. Mais on ne fait pas les mêmes vins sur des croupes graveleuses et des sols sableux.
On cherche aussi, sans la trouver, une réponse légitime à certaines notoriétés qui ne semblent pas/plus justifiées, notamment quand on accède à des prix (très) exagérés, puisque l’on peut passer d’une bouteille, pourtant superbe à 25 € (France, Lafargue…) à une autre, 10 fois plus chère !
Dans les appellations de Côtes, selon les expositions, les sols, la complémentarité des cépages (Merlot souvent prépondérant), on peut en effet passer du très beau au très simple. De Saint-Vivien-de-Blaye ou Saint-Paul-de-Blaye, de Tauriac (Moulin Vieux, Haut Maco…) à Baurech, de Saint-Magne-de-Castillon à Gabarnac (Faugas, Melin, Pont Les Moines, Langoiran, Berthenon, Beynat…), les meilleurs signent de beaux vins de caractère, puissants ou soyeux, vifs ou suaves, en rouges comme en blancs, et à des prix vraiment abordables (de 7 à 12 €).
En Liquoreux, Sauternes en tête, du plus liquoreux au plus fin, méritent toujours d’être appréciés tout au long du repas, et pas uniquement à l’apéritif ou sur les desserts. Bien sûr, on boit de moins en moins ces vins, on les oublie, en fait. Certains s’orientent à faire des Sauternes plus “secs”, mais est-ce vraiment la solution ?
En Bordeaux et Bordeaux Supérieurs, les terroirs ont une réelle incidence sur la qualité des vins ! Et des vignerons passionnés qui savent mettre en avant leurs sols (exception faite des palus) élèvent des vins supérieurs à des crus d’appellations beaucoup plus chères et renommées (Penin, Fontbonne, Lajarre, Bran de Compostelle, Panchille…).
Les blancs se dégustent de mieux en mieux et les rosés, comme les Clairets peuvent être particulièrement séducteurs. On trouve vraiment de très beaux vins entre 8 et 15 €.