* Ce qu’il faut absolument savoir sur les vrais vins de Loire

J’ai commencé la rédaction de mon Guide 2010, en ce qui concerne une partie de la Loire, et mes sélections de l’année vont être sévères dans cette grande entité, ce qui veut -aussi- dire que les vignerons dignes de ce nom vont être particulièrement mis à l’honneur, la typicité, l’accueil, la passion, le prix et la régularité qualitative primant.

J’ai débuté mon métier dans le Muscadet, il y a trente ans, je connais bien cette région, j’aime les vins que l’on y produit, de Nantes à Sancerre. Il faut dire que l’on trouve des vins à un rapport qualité-prix formidable : un Saumur-Champigny à 10 € ou un Sancerre à 12 € avec des typicités exceptionnelles issus de terroirs uniques। Qui n’a pas goûté l’expression du Sauvignon à Sancerre ou à Pouilly ne connaît rien au potentiel réel de ce cépage, qui ferait pâlir d’envie un bon nombre de producteurs d’autres régions et pays, où manque ce que l’on trouve ici : la minéralité !

– Dans le Pays Nivernais, les vins possèdent deux atouts considérables : un rapport qualité-prix réellement exceptionnel et une complexité due bien sûr à ces sols différents, les uns plus spécifiques que les autres. Il suffit de goûter un Sancerre Les Belles Dames et un autre Les Romains, un Quincy ou un Pouilly-Fumé “silex” pour s’en assurer. Cela fait donc du bien de “sentir” la puissance des terroirs et permet de renvoyer au jardin d’enfants les nouveaux vins qui poussent partout et les producteurs qui croient encore qu’il suffit de planter un cépage pour obtenir un grand vin… Comment ne pas succomber sous le charme et la race des vins des Natter, Brock, Redde, Gitton, Teiller, Pabiot ou Malbète, les Sancerre des Balland, Thomas ou Roger, les Pouilly-Fumé des Champeau, Coulbois, Landrat-Guyollot, Barrillot, Blanchet ou Bonnard ? Il y a aussi Les Caves de Pouilly-sur-Loire (beau Pouilly-Fumé Tonelum Vieilles Vignes 2006, fort bien élevé en fûts de chêne, typé, complexe, tout en persistance aromatique, alliant finesse et nervosité, aux notes de noisette et de fleur blanche, très agréable en finale, à ouvrir sur des lasagnes au saumon.)

Il y a bien entendu des excès dans la région, en rendements comme en prix, et il faut donc choisir les vignerons simples et fiers qui s’attachent à élever quelques-uns des plus grands vins blancs secs de France. À Sancerre comme à Pouilly, à Menetou-Salon ou à Quincy, la région fourmille de vins qui possèdent une typicité exacerbée. Le cépage Sauvignon sait en effet se marier parfaitement avec ces sols de silex, d’argiles ou de marnes, et produit, selon chaque millésime, une typicité propre. Un bon nombre de propriétaires sont présents dans ce Guide depuis longtemps, ce qui prouve leur régularité qualitative, et leur place dans mon Classement est la confirmation de leur talent.

Ces vignobles ont bien évolué en continuant à produire d’excellents vins sans trop modifier leur ligne de conduite. Cela prouve que l’on peut se développer sans se laisser influencer par des conseils extérieurs qui tendent à vouloir tout bouleverser.

– En Anjou-Saumur, j’aime retrouver ces hommes et ces femmes qui s’attachent à défendre leur personnalité. Peu d’autres vins peuvent “copier” les meilleurs crus de la région, marqués par ces sols de tuffeau ou de roche calcaire en parfaite osmose avec les cépages Cabernet franc et Chenin, le premier s’épanouissant sûrement le mieux ici, dans cette région où il fait bon s’octroyer quelques étapes gourmandes et historiques. De Champigny à Beaulieu-sur-Layon, du Puy-Notre-Dame à Parnay, la région est riche en terroirs et en saveurs, avec des blancs secs très agréables, des rouges puissants et colorés, au nez de violette comme ceux de Saumur-Champigny qui ont pour fers de lance le Château de Targé, Domaine de la Petite Chapelle, le Clos des Cordeliers, le Domaine de la Guilloterie, le Domaine des Amandiers). Superbes liquoreux (Coteaux-du-Layon du Domaine d’Ambinos, exceptionnel Bonnezeaux de Jacques Beaujeau, au Château La Varière), qui atteignent régulièrement les sommets depuis plusieurs années, et peuvent inquiéter d’autres vins liquoreux qui auraient tendance à s’endormir sur leurs lauriers, beaucoup plus chers et beaucoup plus renommés, du coin comme de l’Alsace ou de Bordeaux.

En blancs secs comme en rouges, le Domaine de la Paleine (le Saumur blanc Domaine Molto Vivace 2006 est une très belle réussite, frais, fruité, associe rondeur et finesse, de bouche intense où dominent les agrumes et les fruits secs, tout en persistance aromatique, d’une belle longueur) et le Château de Beauregard (goûtez son superbe Saumur rouge cuvée Nathalie 2005, de couleur pourpre, est riche au nez comme en bouche, tout en finesse, charmeur, avec des tanins soyeux, au bouquet subtil et ample (violette, pruneau), un vin de bouche très équilibrée, de garde) et le Château de Brézé (Le Clos de l’Étoile rouge 2005, Cabernet franc sur terroir argilo-calcaire, est très typé, un vin de bouche pleine et riche, aux nuances complexes de petits fruits noirs (cerise, cassis), puissant et savoureux, de belle évolution) sont incontestablement en tête, suivis du Savennières du Domaine des Moines ou de l’Anjou du Domaine des Trottières.

Les Crémants de Loire (et Saumur), du brut au demi-sec, bénéficient d’un rapport qualité-prix-plaisir réel. Leur élaboration est soumise à des règles strictes. Le rendement de base est de 50 hl/ha soit 7 500 kg de vendanges. Les vendanges manuelles, le pressurage soigné, l’art des assemblages et une seconde fermentation de 1 an au moins (qui peut atteindre 18 mois) en bouteilles dans les caves de tuffeau leur confèrent une fine mousse et des arômes délicats qui varient selon les terroirs. Mon ami Patrice Monmousseau (Bouvet) tire toujours toute la région vers le haut, notamment avec cet exceptionnel Saumur brut blanc Saphir Vintage 2005, de belle couleur jaune ambré, avec ces reflets verts typiques, finement bouqueté, ample, à la mousse élégante, un vin très bien élevé, généreux et distingué, comme nous les aimons, de mousse persistante, très fruité, une cuvée d’une belle complexité aromatique (brioche, pêche).

En fait, je trouve que les meilleurs vins ont le même goût qu’avant, les vins sont mieux faits, c’est une évidence, mais, ce sont les mêmes vins que dans les années 1980. C’est d’abord le signe d’une fidélité des hommes à leur spécificité. Et puis, les propriétaires de la région sont en contacts fréquents et directs avec les consommateurs qui circulent sur leurs routes très touristiques, et l’on n’est pas loin non plus de la capitale.

– En Touraine, même analyse. Géologiquement, la Touraine appartient au Bassin parisien : au cours des ères géologiques, cette grande cuvette a été comblée par des sédiments marins ou continentaux qui se sont transformés en couches de roches sédimentaires. D’une parcelle à l’autre, on passe de zones argilo-sableuses à des zones sablo-argileuses, de terres argilo-calcaires à des terres de sable, d’argile et de silex. Dans ce vignoble, la typicité s’associe à un rapport qualité-prix régulièrement remarquable. Le plaisir des arômes, le fruité des rouges, la fraîcheur des blancs secs, la suavité des moelleux… tout concourt au plaisir du vin. On le voit bien (confer cette Sélection) chez mon ami Henri Marionnet, fidèle à lui-même (savoureux Touraine cuvée Les Cépages Oubliés Gamay de Bouze 2005, de teinte rubis, au nez où dominent la mûre, la fraise et l’humus, corsé et d’une belle élégance à la fois, avec des notes de violette et des tanins mûrs), comme chez Jean-Christophe Mandard, Anne-Cécile Roy, au Domaine du Charbonnier ou au Domaine de la Chaise… Châteaumeillant n’est pas loin, et l’on peut faire une halte au Domaine Chaillot.

En rouge, trois autres appellations sortent du lot : Chinon, bien sûr, où la race rejoint une vraie typicité (les grandes valeurs étant Couly, Paul Buisse (Chinon L’Exceptionnel de Paul Buisse 2006, Cabernet franc, vinifié avec une cuvaison de 3 semaines, un vin de robe intense, charpenté, parfumé, aux notes de fruits cuits (prune, groseille, griotte), tout en bouche, riche, de très belle évolution), Domaine Gouron, Logis de la Bouchardière, Domaine de la Chapelle, Dozon, bien sûr), puis Bourgueil (Les Pins) et Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Jarnoterie, Clos des Quarterons, Clos du Vigneau), où l’on se rend aussi bien compte de l’expression de ces terroirs de tuffeau et de graviers. La race du Cabernet franc s’exprime parfaitement sur ces terroirs variés d’argile ou de silex, où le tuffeau croise les Perruches ou les Aubuis. Les moelleux sont superbes, en Montlouis (Leblois) comme à Vouvray, où les sensations gustatives sont exacerbées grâce à ces grands vins racés, denses, veloutés, comme ceux de la famille Dumange, au Clos de l’Épinay ou du Château de Valmer (profitez-en pour admirer les jardins, labellisés “Jardin Remarquable” par le ministre de la Culture en 2004, le potager conservatoire de légumes anciens et la chapelle troglodytique de 1524), suivis par ceux de Lionel Gauthier-Lhomme ou de la famille Aubert.

– En Pays Nantais, je suis attaché à ces propriétaires du Muscadet qui respectent la fraîcheur. On peur citer Robert Chéreau, Michel Morilleau, Jean-Michel et Laurent Poiron, Yves Provost, Jean Dabin, Tourlaudière, Elget, Pourtant, certains vins sont sans nervosité, issus de vendanges et de vinifications appropriées, un “style” de Muscadet qui sent les parfums exotiques. Il en est de même pour les vins provenant de raisins “passerillés”, aux “vendanges tardives”, aux élevages en fûts neufs qui n’ont rien à voir avec la grande tradition des vins de Nantes et ne font que les dépersonnaliser un peu plus.

La typicité est notamment liée à la mise en bouteilles sur lie, qui consiste à laisser les vins reposer sur leur lie durant 4 ou 5 mois après leur fermentation jusqu’à leur embouteillage. Elle permet de protéger le vin de l’oxydation et lui confère une fraîcheur et un perlant caractéristique, grâce à une présence importante de gaz carbonique (un Muscadet sur lie en contient deux fois plus qu’un Muscadet). La spécificité existe bien car le sous-sol est composé de roches de l’ère primaire, et se particularise par un système complexe de failles et un métamorphisme poussé. On y trouve en majorité des roches mères éruptives (35% de gneiss, micaschistes, éclogites, amphibolites et prasinites). Cette diversité induit des différences notables de précocité et de rendement. Les vins récoltés sur schistes, micaschistes, gneiss du bassin versant de la Loire et du marais de Goulaine sont généralement précoces et tendres. On les trouve, entre autres, sur les communes du Landreau, du Loroux-Bottereau, de Haute-Goulaine, et certaines communes des coteaux de la Loire. Les vins récoltés sur le secteur est du vignoble (Vallet, Mouzillon, Georges, Corcoué sur Logne…) et issus de terrains de gabbros et de roches vertes, sont plus tardifs.

Ceux qui comptent sont, bien sûr, dans mes Classements, en rouges comme en blancs.

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