* A Bordeaux, la gamme est vaste, et il y a de tout…

Je suis en train d’écrire mon Guide 2009, qui paraît le 20 Août prochain, et il est particulièrement sévère cette année, les déceptions étant nombreuses, et les éliminés aussi.

À Bordeaux, par exemple : il y a d’abord une dizaine de vins mythiques d’un niveau qualitatif exceptionnel mais que l’on ne peut tout bonnement plus s’offrir. Il est difficile d’en parler comme les autres vins, car on entre dans le monde du luxe où l’image et la frime comptent beaucoup. Les prix de ces vins ne sont pas réellement cautionnables si l’on veut prendre le rapport qualité-prix, et, bien sûr, d’autres crus sont très proches qualitativement, et 10 fois moins chers. Ce sont donc des vins hors catégorie, des « vins-cadeaux », dont les acheteurs font plus partie des nouveaux riches des pays émergents (Russie, Chine…), l’exception confirmant la règle, car il y a encore de vrais amateurs (riches) qui les réservent. Passons, donc, mon Guide étant beaucoup plus axé sur la réalité des vins que nous achetons tous les jours.

Il y a ensuite la masse des grands crus classés, en Médoc, pour l’exemple, dont certains, beaucoup moins prestigieux, plus à la mode (pas mal de vins surbarriqués sont dans le lot), ont atteint des prix incautionnables, car, pour ceux-là, il est toujours question de rapport qualité-prix, ne leur en déplaise. Force est de constater que l’on retrouve ces bouteilles de moins en moins dans la restauration française et dans nos caves, leur prix devenant un frein réel. Ces vins-là, à forte valeur ajoutée, sont vendus majoritairement à l’export, délaissant, à tort, le marché français. Je me demande quelle serait la réaction du Japonais qui a sa cave remplie de ces vins-là, et ne les verrait pas en France. Il pourrait se demander s’il ne s’est pas fait avoir ? Heureusement, il y a les très grands vins, très classiques, où l’élégance prédomine (Léoville-Barton, Montrose, Calon-Ségur, Brane-Cantenac, Rauzan-Gassies, Desmirail…).

Dans le Libournais, on est toujours dans l’expectative. D’un côté les vrais grands vins marqués par des territoires que personne ne peut nier, dans une gamme large, où l’élégance s’allie à la structure, selon les sols et rien d’autre, sans artifices (Magdelaine, Bélair, Certan de May, Cadet-Piola, Lamarzelle, Beauregard, La Croix, Laroque, Guadet, Balestard…). Je ne peux que vous renvoyer à mon Classement 2008, où la catégorie des Deuxièmes Grands Vins est un vrai vivier qualitatif.
En face, il y a des vins bien différents (particulièrement à Saint-Émilion ou en Côtes-de-Castillon), beaucoup trop boisés, trop concentrés, desséchés, qui n’ont aucun intérêt mais nous ne parlerons pas d’eux, tant ils sont encensés de facon indécente par des “gourous” français ou étrangers.

À quoi bon créer des vins écœurants comme de l’encre, faire des “produits” à 15° quand la région bordelaise a, depuis toujours, su faire primer la distinction. J’ai débuté avec des “pointures” mondiales comme Jacques de Loustaunau, Émile Peynaud, Ribéreau-Gayon, ils s’attachaient tous à défendre cet atout essentiel de Bordeaux : élever de grands vins capables d’associer la puissance et l’élégance, et la durée dans le temps.

On sait que la (grande) qualité n’a rien à voir avec un élevage outrancier en bois neuf, ni à des artifices techniques.

Le marché intermédiaire (7 à 20 €) est un formidable vivier, qui fait la force de Bordeaux, dans toutes les appellations, aussi bien dans le Médoc, à Saint-Émilion, ses satellites, que dans les Graves ou les Côtes… On a plaisir à déguster des vins typés, très bien faits, qui bénéficient d’une belle série de millésimes grâce aux étés chauds, donnant des vins savoureux plus faciles à boire rapidement mais aussi d’un beau potentiel de garde. Les Sauternes sont tout aussi savoureux, avec un grandissime millésime 2007, dans la lignée du 2001.
Ils sont aux côtés d’autres vins trop chers, dont la réputation n’est plus justifiée à ce niveau de prix. Mes prochains Classements des Graves, des Satellites et du Médoc, notamment, vont donc réserver des surprises, comme celui des Bordeaux Supérieur.

Les 2007, 2006, 2004 et 2001 sont des millésimes que j’affectionne particulièrement, à l’ombre des grands millésimes médiatiques et c’est dommage, car ils sont l’archétype classique du bordelais, où la finesse prédomine. Les viticulteurs font des efforts de qualité, sont efficaces, travaillent bien dans leur chai mais aussi à la promotion de leurs vins, car il ne s’agit pas de ne faire que bon, il faut le faire savoir. La majorité élève ces vins dans la grande tradition bordelaise.

Il y a également une région où les vins sont exceptionnels, Pessac-Léognan, (même si j’ai été très déçu par quelques « grands », vous le verrez) avec des crus envoûtants, en blanc comme en rouge. À Pomerol, les vins sont restés très typés, cela correspond aussi à la mentalité des propriétaires qui respectent leur terroir et ne se complaisent pas dans l’esbroufe. Saint-Émilion est une appellation qui fait encore parler d’elle avec un classement qui fait sourire (pour ne pas dire plus), tant des déclassements restent incompréhensibles, c’est navrant.

Cela amène le consommateur à penser qu’à Bordeaux on parle trop de classements, de jalousie, de prix, de frime et pas assez de qualité intrinsèque du vin et cela porte tort à toute la région, même aux Bordeaux les plus modestes. Ajoutez à cela une vraie crise sociale snobée par quelques propriétaires et négociants qui préfèrent aller chercher ailleurs ce qu’ils devraient promouvoir venant de leur région.

En fin de compte, on se moque de savoir si un cru est classé ou non, que les Côtes soient réunies ou pas, ce qui importe, c’est ce qu’il y a dans la bouteille et le rapport qualité-prix-plaisir !

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