* Avoir un geste citoyen

Je viens de regarder un reportage émouvant sur France 2 (journal de 20h, « le drame du lait ») sur un jeune agriculteur de 27 ans, forcé de se séparer de son cheptel de vaches laitières pour survivre, et se contenter, encore heureux qu’il en ait trouvé un, d’un emploi de salarié dans un lycée agricole. Il était triste, désorienté, perdu. Et ce n’est pas normal.

Je n’écris pas cet article pour vous donner la larme à l’œil. Il est instinctif, voilà tout, et il y a bien 2 ou 3 choses à relever.

Pour ce processus de démantèlement agricole, que l’on ne s’y méprenne donc pas : ce n’est pas un problème de crise actuelle, ce n’est pas la faute de l’Europe (dont s’abreuvent à souhait les altermondialistes gauchistes les plus extrémistes, Besancenot en tête, pour capter des voix), de Sarkozy ou des Socialistes : c’est tout simplement l’exploitation d’hommes par d’autres hommes, un problème de non-rémunération de ces producteurs par des groupes et/ou grandes surfaces, qui, profits obligent, les « saignent » littéralement. J’exagère, certes, mais pas tant que cela.

On connaît aussi ces pratiques dans mon milieu. Nombreux sont les « petits » viticulteurs, de Bordeaux, de Loire ou du Rhône, qui sont pieds et mains liés à des négociants ou des acheteurs de groupes de distribution qui ne dépareilleraient pas dans les milieux mafieux. D’autres sont estimables, bien sûr, mais le profit prime.

C’est pareil pour les producteurs de lait, éleveurs de viandes, les fermiers, ceux qui produisent des fruits, etc… On parle toujours des grèves et grévistes de la Poste, de la Sncf, de la Ratp, des enseignants… mais les autres, ceux du monde rural notamment, n’ayant pas la chance d’être fonctionnaires, n’ont aucun moyen de faire pression : il ne leur reste qu’à murer la porte d’une préfecture ou à jeter (ou donner) des légumes…

La spirale des « promotions » sans fin

D’ailleurs, on voit que, pour la première fois de leur histoire, des grandes surfaces sont prises à leur propre piège : à force de multuplier les « promotions », le consommateur, vous, moi, nous réalisons vraiment que, si elles peuvent se permettre de casser les prix durant des mois, cela veut dire qu’en temps normal, leurs marges sont considérables. Ce qui les attend, c’est que nous n’allons plus aller pousser leurs portes en période hors promotions. Les distributeurs le savent et sont aux abois : ils ne parviennent plus à sortir de cette spirale de « prix cassés » et s’arrachent les cheveux pour trouver les solutions : multiplier leurs propres marques (client des Nouvelles Galeries -entre autres, on ne voit sur les rayons que la marque « monoprix », sur les sardines comme sur le jambon).

Plus le temps passe, plus ces groupes (dans un autre secteur, on appellerait cela des multinationales) « broient » notre patrimoine humain. Un patrimoine, cela va du château de Versailles à nos produits du terroir, ne l’oublions pas. À force d’acheter à bas prix, non seulement le consommateur ne bénéficie pas forcément de ces baisses, mais on lui propose de plus en plus des produits aseptisés. Bien sûr, on en trouvera toujours qui nous jugera que c’est pour le bien des consommateurs, un autre qui nous prouvera que c’est le « bon samaritain » des producteurs…

Un poulet de Bresse fermier, et même un poulet standard, ce n’est pas un « truc qui ressemble à du poulet » empaqueté par je ne sais qui et provenant d’on ne sait où. Idem pour vos tranches de « jambon » sous vide gorgées d’eau ou de phosphates, pour vos crevettes (lisez les étiquettes » provenant de la mer de Chine) ou -on y revient, de vos bouteilles de rouges fortement matraquées par des prouesses œnologiques et gorgées d’enzymes ou de levures artificiels. Pour mémoire, cet article.

Chacun de nous peut agir

Nous sommes donc responsables. Qui n’a pas eu la nausée récemment de voir des producteurs désemparés, humiliés, être forcés de déverser dans des champs leurs milliers d’hectolitres de lait quand la faim dans le monde est une souffrance réelle ? Comment peut-on empêcher cela ? Bien sûr, il y a des quotas européens, voire mondiaux, mais, quand même, on voit bien que leur travail n’est pas rémunéré, en France, par des acheteurs français. La Chine, l’Argentine ou je ne sais qui, ont bon dos..

En fait, tout reste cohérent. Plus l’on défend les marques du terroir, plus l’on combat les vins aseptisés, plus l’on dénonce la cherté de nombreuses bouteilles dont les proprios se moquent de nous… plus l’on se rend compte que c’est la même chose pour son entrecôte, ses huîtres ou son pain : on se fait vite avoir, avouons-le par une pub alléchante, l’ignorance ou la facilité de pousser un caddie. Pourtant, il suffit de s’assumer, d’agir, de prendre un peu de temps, de frapper à la bonne porte… pour défendre une éthique, avoir un geste citoyen.

C’est quoi, un geste citoyen ? Soyons bref :

– Défendre la production française. Comme le développement durable, mieux vaut donner nos sous directement à un producteur plutôt qu’à un marchand, et encore moins à la grande distribution. Plus cette dernière s’enrichit, plus nos agriculteurs s’appauvrissent. Je passe sur le fait d’être traité comme des gogos avec des linéaires et têtes de gondoles savamment travaillés (et chers payés par les marques, ce qui renforcent les marges des GS) qui nous incitent inconsciemment à faire le tour des rayons dans un manège où l’on nous amène où l’on veut, si nous n’y faisons pas attention. On nous prend pour des bestiaux, des niais, et, trop, c’est trop.

Car proposer le prix le plus bas (ce qui, en soi, est louable), ce ne doit pas être l’occasion pour acheter de moins en moins cher aux producteurs, sans répercuter cela sur le prix affiché aux consommateurs.

Et la qualité n’en pâtirait popurtant pas. Les enseignes à « bas prix » proposent des produits tout-à-fait honorables qualitativement, non ?

Personne d’autre que nous ne pourra aider nos producteurs. C’est pourtant simple, facile, pratique : chacun a un marché (ou un petit commerçant) près de chez lui, etc. Les prix sont sages et rémunérateurs pour nos paysans, tout le monde est content.

Que certains ne me disent pas « c’est pas pratique » !!! Il n’y a rien de plus simple aujourd’hui : Internet permet d’acheter directement sa viande ou ses volailles, ses produits frais comme ses poissons, il suffit de chercher et de cliquer (je vous ferai prochainement un article sur les produits alimentaires accessibles en ligne), à des prix « directs », c’est-à-dire particulièrement intéressants.

Et remédier, à notre niveau, au chômage, c’est aussi permettre à nos paysans (comme à nos pme) de rester en place et d »embaucher !

Inutile de s’étendre également sur le bien-fondé d’acheter « sain ». Chez un producteur, on a une véritable traçabilité, non ?

– Soutenir les hommes et les femmes. Être paysan, c’est noble, c’est beau. Faut bosser, être passionné, aimer et défendre la nature, la diversité… Je suis attaché aux vignerons dignes de ce nom depuis 30 ans, il faut faire la même chose avec tous nos autre producteurs, de celui qui est amoureux de sa « charolaise » comme de celle qui concocte ses fromages au fin fond du Berry. Ils valent le coup, ceux-là.

Bon appétit (et bonnes courses) !

P. S. Au fait, notre Newsletter de VINOVOX, adressée gratuitement le Jeudi (et dans laquelle est repris ce billet), atteint actuellement les quelque 20.000 abonné(e)s. Pas mal pour un site et une « lettre » qui a débuté en Janvier 2008 et draine désormais en flux direct le contenu de plus de 150 blogs cuisine, vins, voyages… !

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