Petrus, c’est magique

“Lorsque l’on parle d’un vin, me confie Jean-Claude Berrouet (sur la photo, avec Edouard Moueix, le fils de Christian Moueix (Magdelaine, La Fleur Petrus, Hosanna, Trotanoy…, voir mon exceptionnelle dégustation du millésime 2004), et neveu de Jean-François Moueix, il faut d’abord présenter le sol, c’est lui qui lui donne son originalité, sa typicité et, à Petrus, l’originalité est particulièrement importante puisque l’on sort des sentiers battus bordelais.

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Ici, ce qui prime, c’est la rencontre de 2 argiles, une argile ancienne, bleue, arrivée dans la seconde moitié de l’ère tertiaire. Au Quaternaire, il y a eu des recouvrements graveleux, mais, à Petrus, ce sont des argiles noires gonflantes qui donnent la spécificité… Petrus (11,5 ha) est situé sur un plateau et plus précisément sur un mamelon argileux qui culmine à 42 m d’altitude, ce qui permet aux eaux de ruissellement de surface de ne pas stagner et d’aller vers le bas. Ainsi, il n’y a jamais d’excès d’eau mais l’une des vertus de l’argile est ce pouvoir de rétention d’eau, elle se comporte comme une belle éponge, et restitue l’eau lentement à la plante en période de sécheresse. Petrus, c’est aussi l’expression d’un cépage, le Merlot, qui s’épanouit pleinement sur ces argiles. C’est un vignoble très ancien. J’y suis arrivé en 1964 et j’ai connu une parcelle postphylloxérique qui avait été plantée en 1885. Il y a encore des parcelles plantées en 1957, mais la moyenne d’âge des vignes est de 35 ans. À partir de 1985, nous avons fait un gros effort de sélection massale en collaboration avec l’Inra et la chambre d’Agriculture. Pour les replantations, nous avons réintroduit les vieux pieds de vignes sélectionnés et passés en Tests Elisa pour vérifier leur état sanitaire. Ainsi, nous avons reproduit les vieilles sélections qui avaient été choisies par nos anciens, auxquelles nous avons ajouté de nouveaux clones, de telle sorte qu’on laissera aux successeurs la population ancienne et la population moderne. La culture de la vigne est très traditionnelle à Petrus : on laboure 2 fois par an, on chausse et déchausse. Les rendements varient de 25 à 39 hl/ha mais la moyenne se
situe plutôt vers 35 hl/ha. Les vendanges sont manuelles, effectuées en cagettes avec un tri sévère effectué sur 2 tables de tri. La vinification est très traditionnelle avec des fermentations en cuves béton. Nous privilégions des extractions très mesurées, ainsi les cuvaisons ne sont pas très longues car nous souhaitons rester sur le fruit et des tanins soyeux. S’ensuit l’élevage durant 18 à 20 mois en fûts de chêne avec une proportion de bois neuf qui varie selon les millésimes (un peu plus de 50 %). Nous évitons le surboisage, toujours dans un souci permanent de préserver la spécificité du vin. Le vignoble est protégé en lutte raisonnée. Nous pratiquons depuis 1991 l’étude de la maturité phénolique en parallèle avec la maturité physiologique. Avec l’indice de maturité et la dégustation des baies, parcelle par parcelle, nous déterminons une date de vendange la plus précise possible, ce qui est un facteur primordial pour obtenir la meilleure qualité d’un vin. La force du terroir se retrouve aussi dans le potentiel d’évolution. Celui de Petrus est très important et tout le monde se souvient encore des fabuleux 1953, 1955, 1959, 1961 ou de l’exceptionnel 1947… Nous avons hérité d’un très grand terroir et cela est un privilège de la nature. Il y a une dizaine de parcelles qui ont des caractéristiques pédologiques propres, il existe une résonance du sol à un climat et, selon les millésimes, cela donne des variations (20 à 35 000 bouteilles). Petrus, c’est aussi une équipe, la gestion viticole est confiée à Christian Moueix et Michel Gillet, et celle de l’œnologie et du chai à moi-même et à François Veyssière qui a pris la succession de son père. Nous mettons toute notre expérience, notre connaissance au service de Petrus, un vin pour lequel nous n’avons pas le droit à l’erreur…”

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