Brigitte Dussert : Vous dénoncez les vins « aseptisés », beaucoup plus marqués par des vinifications sophistiquées que par un véritable terroir.
Patrick Dussert-Gerber : Cessons de vouloir tout uniformiser. Ce qui fait la force des choses (et de chacun d’entre nous), c’est l’originalité, notre spécificité, notre indépendance. La mondialisation est incontournable, nous devons en faire bien entendu partie mais pas par un nivellement par le bas, alors qu’il faut, bien au contraire, que chaque pays, même s’il fait partie d’une entité obligatoire (Europe, Asie…), développe son propre savoir-faire.
A-t-on vraiment envie de manger tous le même sandwich, de boire le même « truc », d’avoir les mêmes lèvres au botox, le même look, la même « culture » ? Dans le domaine du vin, quel intérêt de boire un rouge comme un soda, une bibine neutre qui aurait le même goût (est-ce le bon mot ?) à Bordeaux comme au Chili, en Bourgogne comme en Australie, en Champagne comme en Espagne ?
Comme les OGM, nous pourrions décrire, bien que leur nature propre n’a rien de similaire intrinsèquement, que ce serait des “VVM” (Vins Vinifiquement Modifiés). À prendre avec humour, bien que ce ne soit pas bien drôle. La France doit lutter contre cette orientation mondiale où l’on aseptise les vins à cause des mêmes levures, des mêmes plants, des mêmes copeaux de chêne, où l’on fabrique (quel autre mot pourrait-on employer ? ) ici ou là des vins maquillés, élaborés comme un drink, un cocktail ou un Brandy. Le Brandy c’est peut-être bon, mais cela n’a rien à voir avec un Cognac.
Il en est de même pour les vins. Certains choisissent de faire un vin qui plaît à tout le monde, qui n’attaque pas la bouche, qui a le même goût, qui ressemble à un goût uniforme comme celui que donne le Cabernet-Sauvignon en rouge ou le Chardonnay en blanc. C’est la raison pour laquelle on parle alors beaucoup plus du cépage. C’est ce dernier et la façon de le vinifier que l’on met en avant, c’est bien la preuve que l’on veut escamoter les sols, les sous-sols, le terroir. Découlant de cela, le terme de “vin de garage” ne veut plus rien dire. Au début certes, cela pouvait correspondre à des vins provenant de toutes petites parcelles, une super-cuvée, un vin de concours. Il en existe un bon nombre à Bordeaux comme dans le Languedoc, voire dans certaines appellations de la Loire ou de la vallée du Rhône. Aujourd’hui, on devrait parler d’un style de comportement de la part des producteurs qui font ces vins trop concentrés.
En fait, il y a maintenant une profonde scission entre la majorité des vrais propriétaires français qui s’attachent à respecter leur vignoble, à produire des vins de qualité qui ont du goût, du fruit, un vin qui se boit et puis ceux qui font d’autres produits standardisés (hélas médiatisés, on l’a vu), comme ceux qui ne font que des vins qui se “mangent”. Pour ces vins, il suffit de faire le test quant on ouvre une bouteille avec des amis. Au début c’est vrai, le vin “bodybuildé” n’est pas mauvais et on le goûte bien. Mais c’est celui-là qui reste sur la table parce que personne ne finit la bouteille, et tout le monde préfère le vrai vin typé qui était fin et facile à déguster comme il se doit. Ces vins qui se “mangent” sont les vins masqués par des élevages sophistiqués comme quelques vins étrangers, et qui peuvent toujours attendre pour avoir mon soutien. J’apprécie autant les vins qui sont élevés en barriques (neuves ou pas) que les autres, et le seul fait d’acheter des fûts n’est pas un gage qualitatif en soi. Un grand vin très bien élevé, c’est formidable. Un produit rouge ou blanc mariné dans du bois, c’est minable. Je passe sur les exagérations des emplois de levure et d’enzymes, l’osmose inverse, la filtration à outrance, les concentrateurs utilisés à tort et à travers, le maquillage du goût naturel des vins par celui du bois, selon les chauffes…
BD : Et les vins étrangers ?
PDG : J’aime un bon nombre de vins étrangers, et beaucoup « d’appellations » italiennes, californiennes, espagnoles ou autrichiennes sont parfois bien plus typées que des appellations ou des vins français. Ma réponse est claire et l’on ne peut me reprocher d’apprécier tous les vins originaux, de France et de Navarre. C’est un fait que j’apprécie un bon nombre de crus italiens, hongrois, autrichiens, grecs, espagnols, américains ou allemands, et j’ai suffisamment fait le tour des vignobles pour savoir où il est bon de déboucher un flacon digne de ce nom.
Mon Guide des Vins Européens et mon Encyclopédie Mondiale des Vins (sortie en 1993, chez Albin Michel) expliquaient déjà en leur temps tout cela, bien avant que des rigolos viennent nous compter fleurette sur les vins étrangers.
Il faut, comme en France, respecter et s’adapter à la gastronomie de chaque pays pour apprécier tel ou tel vin vraiment typé, qui mérite le respect. Comment peut-on ne pas prendre plaisir avec un Soave ou un Bregance sur des pâtes à la vongole à Venise, sentir la saveur du cépage Nebbiolo dans un Barolo quand on se promène dans le Piémont, envoûter ses papilles avec un Brunello di Montalcino toscan ou un Ravello en Campanie…
Je vais plusieurs fois par an en Espagne également, et l’on ne peut qu’apprécier les bouteilles que l’on débouche près de Valladolid, Burgos ou Saragosse. Idem pour les régions allemandes incontournables comme la Sarre (avec le Grosslage Scharberg, par exemple!, le Rheingau, bien sûr (Steinberger, Honigberg, Berg…) ou la Nahe (Kreuznach). On peut continuer de se faire plaisir au Portugal (mais oui, c’est bon un Vinho Verde), à Malte, avec un Muscat, à Sitia ou à Peza, en Crète, etc.
Premier point donc, il ne faut pas mettre tous les vins étrangers “dans le même sac”, et faire la distinction entre les pays qui ont une histoire du vin et de vrais terroirs comme ceux que je viens de citer, et, d’une manière générale, les pays de ce que l’on appelle la vieille Europe.
Car contrairement à ce que l’on entend dire, il n’y a pas de réels terroirs très qualitatifs au Chili ou en Argentine, ni dans les pays des autres hémisphères. Il y a des sols propices, mais rien d’exceptionnel. Et le climat a tout autant son importance.
On le saurait depuis des siècles et les propagandistes historiques du vin, notamment les romains et les moines, en France, comme lors de leurs missions, ne se sont pas souvent trompés quand ils ont créé des vignobles.
Et puis, donc, le climat a une incidence certaine sur la qualité des vins. Trop de chaleur ou trop d’humidité ne sont pas les garants pour faire des grands vins.
On peut dire ce que l’on veut : ce qui compte, et même pour un vin qui coûte 7 €, c’est d’avoir une originalité.
En dégustation, pour ne parler que des vins français, un consommateur doit pouvoir reconnaître un Saint-Émilion, un Châteauneuf-du-Pape de par cette diversité des cépages si bien adaptés aux différents terroirs.
Que l’on cesse donc de vouloir nous faire croire que tous les vins étrangers valent les vins français : si l’on s’en tient à la vraie typicité, c’est d’ailleurs ridicule de « comparer » un Vino Nobile di Montepulciano avec un Chambertin ou un Pouilly-Fumé avec un sauvignon des sols graveleux autour de la baie de San Francisco… Des très bons vins, des grands vins racés, il y a donc dans un bon nombre de pays.
Ce n’est pas la même chose de parler des autres « produits » aseptises surtout lucratifs pour ces groupes ou ces petits malins qui ont une grande puissance de communication, et ne se gênent pas d’organiser des dégustations “mondiales”, mélangeant les genres afin d’homogénéiser le tout. Il en est de même quand on voit des “vins de garage” libournais, se vendant beaucoup plus chers en plus, comparés à des grands crus historiques (et authentiques, eux). En plus, ces vins sont proposés à des prix extrêmement chers, totalement incautionnables, car les meilleurs vins étrangers ou un vin de garage à la mode (du Languedoc comme du Libournais) se vendent au minimum 100 à 200 € (et jusqu’à 500 €), et l’on est quand même dans les prix d’un Bâtard-Montrachet ou d’un très grand cru de Bordeaux. Sans parler de la multitude d’appellations françaises où l’on trouve de grandes bouteilles entre 20 et 30 € (Châteauneuf, Sauternes, Volnay, Pessac-Léognan, Meursault, Champagne, Vendanges Tardives d’Alsace, Bandol, Quarts-de-Chaume…), et même dans une gamme de prix très abordable (Chinon, Gigondas, Satellites Saint-Emilion, Saumu-Champigny, Vouvray, Sancerre, Corbières, Coteaux-du-Languedoc, Graves… et bien d’autres). C’est se moquer du monde de faire croire qu’un autre pays possède autant de diversité, dans une telle gamme de prix, et surtout méconnaître la diversité des vins de notre pays.
Les consommateurs qui achètent ces “produits” à la mode sont les mêmes qui achètent les “VVM”, ou les cuvées “surbarriquées” : c’est surtout du snobisme, peut-être même de l’ignorance. Côté « critique » (américain ou autre), c’est plus valorisant de « descendre » un grand cru en encensant un rouge matraqué par les enzymes, les levures et la barrique. Vous remarquerez d’ailleurs qu’il n’y a pas beaucoup de défenseurs des vins abordables et que les plus beaux-parleurs enfoncent surtout des portes ouvertes pour se mettre eux-mêmes en valeur. On retrouve le même parallèle dans la mode ou l’art… Tout cela demande une éducation, et nous devons le faire.
BD : Vous êtes aussi très prudent avec certains “concours”…
PDG : On peut imaginer que certains “concours sont faits pour dénigrer les grands vins typés français. Il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable, et ne le sera jamais. C’est simple de prendre un grand cru de Bourgogne ou du Médoc, très réputé, très connu, de le sélectionner dans un millésime assez jeune, 2004 ou 2000, puis on le fait déguster pour les “comparer” avec d’autres vins, français ou étrangers qui sont prêts à être bus, des vins “confiturés”, très flatteurs, un produit très banal en réalité. Il est évident, que l’on ne doit pas déguster un grand vin de Bordeaux ou de Bourgogne 3 ans après sa mise en bouteilles, ils méritent 5, 10, ou 20 ans de vieillissement selon la puissance des millésimes, c’est ce qui fait leur force et les distingue de la masse.
Un grand vin a besoin d’évoluer, de s’épanouir, de s’exprimer aussi dans le temps. Ce genre de dégustations est organisé, sciemment ou non, pour “descendre” nos vins français. C’est réellement un problème et je me bats beaucoup contre cela. Les propriétaires devraient d’ailleurs se méfier de ces “concours” et ne pas fournir à tout bout de champ leurs échantillons, car, dans l’espoir d’une bonne note, ils cautionnent cette démarche d’uniformisation des vins, qui consiste à masquer la typicité et à gommer les différences naturelles. Il faut faire attention à cette standardisation, qui fait du mal au plus grand nombre des producteurs de talent.
BD : Et la dégustation des vins trop jeunes, notamment celle des primeurs à Bordeaux ?
PDG : Que penser de ceux qui se permettent de noter un Margaux ou un Pomerol qui n’a même pas commencer son élevage sans avoir la moindre idée de ce qu’il sera ? Donner son avis sur un grand cru 2005 de Bordeaux 3 mois après les vendanges, ce n’est que de l’esbroufe. On se trouve face à des vins loin d’être faits et dont bien souvent le but est de rafler des “étoiles” et des notes de “95 sur 100” ou “17 sur 20” (et plus, hélas), uniquement pour pouvoir se vendre vite et cher. On goûte même des Bordeaux Supérieur en primeurs…
Qui peut oser prétendre savoir ce que donnera un vrai grand cru au moment où il vient juste d’être « abruti » par le début de son élevage en barriques. On ne fait pas un petit primeur à boire frais et jeune ici. C’est une mascarade, à laquelle certains critiques, surtout étrangers, qui s’y prêtent feraient mieux d’apprendre l’humilité.
Certains scribouillards ou « dégustateurs » nous prédisent même très sérieusement qu’il faudra boire le vin en 2009 ou en 2015. De quoi sourire, non ?
Les propriétaires feraient bien également de voir à long terme en revenant à plus de réserve (ils sont de plus en plus nombreux à le faire), en freinant ces dégustations trop précoces, qui les desservent plus qu’autre chose.
Pour nous, il n’y a pas de dégustations factices ou arrangées : je ne déguste que des bouteilles capsulées afin d’éviter ces trop jeunes cuvées de concours spécialement arrangées pour bien sortir. Sans compter que l’on n’est pas bien sûr de ce que l’on boit tant que le vin n’est pas vraiment mis officiellement en bouteilles…
BD : On voit une sophistication également de termes de dégustation…
PDG : Franchement, quand c’est le cas, il me semble que c’est surtout le “dégustateur’ qui veut “frimer”, et là encore, cela vaut toutes les blagues du monde. Je vous laisse juge des mots employés par quelques “confrères” glanés ici et là pour décrire des arômes et des nuances de vin : croûte de pain, toast (au sirop d’érable ?), beignets de banane (ou de pomme), goudron (cela donne envie, non ? ), caramel mou (comme au cinéma), clou de girofle, papaye, réglisse, moka (comme au bistrot)…
On se demande les noms qu’ils restent pour les dégustateurs de pots de confitures ou les parfumeurs ? Pas beaucoup de fraîcheur ni de finesse dans tout cela, et surtout rien à voir avec les vrais arômes du vin. Ces “goûts” soi-disant naturels ne sont dues qu’aux levures, aux vinifications, aux surmaturations, surconcentrations et à un élevage abusif en barriques neuves. Un vrai vin, du plus grand au plus modeste, cela doit d’abord sentir son raisin. Pas besoin de rechercher du côté du goudron… Les vrais vins possèdent toutes les nuances, intimement liées : un vin ne sent pas la framboise ou la cerise, il doit sentir le vin et vous faire penser à des arômes de framboise ou de cerise, nuance… On est loin de l’asphalte et de la banane.
Plusieurs caractères d’arômes sont présents et suffisent pour décrire un vin digne de ce nom : floral (violette, œillet, rose, jasmin, pivoine, miel…), fruité (cassis, prune, coing, framboise, cerise, noix, figue sèche, châtaigne, amande douce ou amère…), végétal (fougère, sous-bois, myrte, foin frais ou sec, anis, réglisse, menthe, poivre vert, vanille, eucalyptus…), animal (musc, cuir, ambre, graisse, venaison…), minéral (pierre à fusil, silex, iode, craie, poussière…) et synthétique (bonbon anglais, esters, phénols, goudron, matière plastique…).
BD : Il faut donc se battre contre la standardisation du goût ?
PDG : Bien évidemment, et nous le faisons. Les produits standardisés, c’est contre cela qu’il faut se battre, la majorité des vins français et surtout ceux que nous soutenons ont une vraie typicité, une raison d’être. Ils ne sont pas du tout concernés par cela. Tout le monde constate que les amateurs demandent des vins typés qui ont le goût de leur terroir. On se bat contre la mondialisation de la “malbouffe”, et pour le vin c’est encore plus fondamental et plus réel. Il faut donc éviter de faire un vin standard, comme des vins de maquillage. Un vin français ou étranger qui n’est fait qu’à l’aide de vinification ultra-sophistiquée n’a aucun intéret. Quel sens cela a-t-il de ne mettre en avant que le côté technique ? Ce n’est pas un gage de qualité, et encore moins celui de laisser s’exprimer la Nature que d’utiliser à tort et à travers des techniques à manier avec précaution. À croire que l’on ne savait pas faire de grands vins avant l’apparition de quelques nouveautés scientifiques.
À quoi bon un rouge de Bordeaux qui ressemble à un vin du Languedoc ou d’Afrique du sud, ou un blanc de Loire que l’on confond avec un Provence ou un vin de Californie ? On en vient à l’extrême prudence qu’il faut avoir sur ces vins de cépages (est-ce bien sérieux de planter du Gewurztraminer en Languedoc ?) comme sur les vins qui, faute de terroir, ne peuvent s’exprimer qu’au travers d’éléments extérieurs, en l’occurrence des vinifications trop techniques qui les dépersonnalisent,
Il est bien normal que les vins évoluent, et que l’on fasse maintenant des vins plus souples. On les boit en effet plus rapidement mais ce n’est pas pour cela qu’il faut les dépersonnaliser et c’est bien là où il y a amalgame. Tous les vins qui ont quelque chose à dire, à exprimer doivent s’expliquer, c’est la base du vin, c’est pour cela que j’écris mon GUIDE DES VINS et que MILLÉSIMES existe.
BD : Nos vins forment donc un patrimoine unique ?
PDG : Le vin, c’est un art à part entière. Nul ne peut apprécier un Picasso ou un Van Gogh, le jazz ou l’opéra, une sculpture, une culture différente de la sienne sans un minimum de connaissance. On ne peut aimer les uns et les autres que si l’on comprend le pourquoi des choses et la passion humaine. Et bien, pour le vin, c’est pareil : il faut expliquer pourquoi un Chinon ne ressemble pas à un Gigondas, expliquer le terroir, le cépage, l’alliance de l’un et de l’autre, il faut expliquer encore que le Cabernet franc est différent du Grenache, et conseiller, c’est fondamental, l’accord des vins et des mets, selon les habitudes régionales, les gens, l’humeur…
Faire un vin qui n’est pas explicable, c’est faire une simple boisson, et c’est bien le danger de cette standardisation car on ne doit pas déguster le vin comme un drink ou une boisson gazeuse diffusée mondialement. L’analyse est la même pour la gastronomie. Où l’on parle de simple jambon fumé ou l’on précise s’il s’agit d’un jambon corse, savoyard ou d’un Belota… Si un jour, on retrouve le même goût, que ce soit en Chine, en France ou en Australie on aura perdu. C’est bien le reproche qui est fait actuellement avec la mondialisation des produits agricoles.
Mais y a de plus en plus de consommateurs qui s’intéressent au vin, qui s’ouvrent au vin. Ce n’est pas non plus obligatoirement dans les pays où il y a le plus de “facilités” à vendre aujourd’hui parce qu’il y a un critique qui ouvre un marché et qui aide instantanément et très rapidement (mais pour combien de temps ?) un vin à bien se vendre du jour au lendemain, que c’est un gage de qualité, une sécurité pour l’avenir des vins. Il faut absolument dire que la base d’un bon vin typé, c’est de pouvoir être expliqué à son consommateur.
Et puis, il y a les vins qui ont une antériorité en France aussi bien ce qu’on appelle les grands vins que les vins historiques dans les régions dans la Loire, dans la Vallée du Rhône, en Alsace, le Beaujolais, ceux-là ont un historique qualitatif et ont bien progressé puisqu’ils ont suivi l’évolution globale de la qualité. Un élevage en barriques, bien maîtrisé avec 20, 30, 40, 50 % peut-être 100% en barriques neuves sur un très grand millésime pourquoi pas, mais en réalité, très peu de vins supportent autant de bois neuf. Et un vin digne de ce nom doit pouvoir conserver son fruit, son élégance. C’est ce qui fait toute la différence.
BD : Le prix est-il une garantie ?
PDG : Non, mais il est parfaitement normal de payer un grand vin à 45 ou 100 € par exemple, et qu’il y ait des vins « mythiques » avec lequel on entre plus dans lo monde du luxe. Les vins français ou étrangers à des prix “cassés” sont des vins sans intérêt qui correspondent à un bas de gamme. Il y a pléthore en France de bons vins au même prix, dans la Loire, à Bordeaux comme dans la Vallée du Rhône.
Je regrette que certains “confrères” ne saluent pas plus souvent le mérite et le talent des propriétaires ou des grandes maisons de Champagne qui se maintiennent régulièrement à un superbe niveau de qualité. Ce n’est pas si facile lorsque l’on produit un grand vin depuis des générations d’assurer cette régularité qualitative exceptionnelle. C’est vrai pour des vins et spiritueux d’assemblage comme le Champagne ou le Cognac, comme pour les vins tranquilles, c’est en fait un véritable exploit et cela mérite un grand coup de chapeau aux propriétaires qui y parviennent.
Dans toute la France, il y a de grands vins typés, dans toute la gamme, et sans que l’on soit forcément obligé de payer le prix fort pour avoir le meilleur. Par exemple, à Bordeaux, pourquoi payer un Saint-Émilion Grand Cru Classé à la mode à 80 € quand on a autant de plaisir avec un Montagne-Saint-Émilion 10 fois moins cher, un Médoc “gonflé 200% barriques neuves” à 50 € (et bien plus, hélas) au lieu d’un Bordeaux Supérieur remarquable à 7 € ou d’un Haut-Médoc élevé traditionnellement à 12 € ? À l’inverse, il est naturel de mettre le prix quand il est mérité où quand on entre dans le cas de la poignée des vins « mythiques », dans l’univers du luxe.
BD : Dans tous nos reportages sur le terrain, on constate que les vignerons se passionnent particulièrement pour leurs vignes…
PDG : Pas de bons raisins, pas de bons vins. Et c’est bien pour cela que les techniques trop ostentatoires ne servent pas à grand chose si l’on a pas un terroir. La priorité, c’est de laisser s’exprimer son terroir, en respectant la vigne, en limitant les rendements, en pratiquant la lutte raisonnée, en laissant faite la nature, qui n’a besoin de personne…
S’il suffisait de prendre un cépage, de le malaxer en barriques neuves, de pratiquer les vinifications les plus sophistiquées, on pourrait nous faire croire que c’est aussi facile que de faire un jus de pomme !
Ce que je déplore, c’est que l’on continue de prétendre qu’un simple vin blanc issu du Chardonnay peut être “comparé” avec un Meursault ou un Montrachet, où le terroir entre en scène d’une façon indubitable. On ne produit pas des raisins comme des légumes. On peut estimer que, à de rares exceptions près, ceux qui utilisent ces subterfuges, sont aussi ceux qui n’ont pas de terroir de renom (on le voit à l’étranger comme en France). Les vrais vignerons n’ont pas besoin de faire appel à des artifices.